LE FOL UNIVERS DE GASTON LEBRAVE
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 J'avais 17 ans...

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naej
Léon le Wacky
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pascal
Christian
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AuteurMessage
Christian
grand(e) lunatique
Christian


Nombre de messages : 1399
où t'habites? : Blois
Date d'inscription : 15/09/2004

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MessageSujet: J'avais 17 ans...   J'avais 17 ans... Icon_minitimeVen 7 Jan - 2:24

J’avais 17 ans et j'étais tombé amoureux d’elle, ma prof de français. Peut-être correspondait-elle à mon idéal féminin d’adolescent, mais je pense que cette attirance avait d’autres origines. Il s'avère en effet qu'elle avait, en début d'année, lu un passage d’un de mes devoirs devant toute la classe, et je pense que l'honneur qu'elle m'avait fait ce jour là, avait définitivement orienté mes sentiments à son égard. Comme toujours dans ces cas là , mon cortex devenait trop étroit pour contenir tout ce qui y bouillonnait. J'entreprenais donc, avec un soin particulier compte tenu du statut de la dame, d'exprimer au plus juste l'étendue de la passion qui me taraudait.
Après plusieurs semaines d'activité cérébrale intense, de paraboles romantiques et autres envolées lyriques facile à imaginer, je me décidais à lui transmettre le fruit juteux de tant de remue-méninges. Prenant toutes les précautions susceptibles de garantir mon anonymat, j’optais pour déposer, dans son casier à l’entrée de la salle des profs, une enveloppe à son attention contenant un poème. Je ne signais même pas d'un pseudonyme.
Le temps passait. En cours et lors des changements interclasses, je guettais la moindre évolution d'attitude , la moindre parcelle d'indice me permettant d'espérer l'accès à la porte du rêve. Rien, pas plus de regards insistants que de regard fuyants. Je désespérais . Et puis un jour, alors qu'il était question d'un litige sur l'interprétation d'une poésie, elle s'adressa à moi devant la classe (que je ne voyais déjà plus), et me dit . " Un spécialiste pourrait peut être nous éclairer" ? J'étais perdu , je bafouillais, finissais par retomber sur mes pieds au prix d'un effort inimaginable .
Dès lors mes idées s'éclaircissaient, son message était clair ,elle avait deviné. Les jours suivaient, dans les couloirs je lui faisais des sourires entendus ,auxquels elle répondait gentiment. J' alimentais à nouveau son casier du fruit de mes pensées. Mais comment interpréter la distance qu'elle semblait installer entre nous ? J’errais dans les limbes ...

Pendant des jours j'ai guetté le moment propice. D'une salle d'étude on pouvait entrevoir la porte de celle des profs . j'ai patienté. Un soir, quand j'eus la certitude qu'elle y était seule, j'y suis allé. Elle a levé les yeux. "Eh! Bien, que vous faites-vous là" ?. Je n'avais même pas préparé une solution de repli, même pas une question à poser à propos du cours. Au ton de sa voix, à l' expression stupéfaite de son visage devant mon désarroi, je compris qu'elle n'avait, en fait, rien deviné. J'étais mort. Je ne sais plus ce que j’ai dit, ce que j’ai fait, je me suis retrouvé dans le couloir, probablement après avoir bafouillé une excuse minable. Je paierais très cher ce manque de courage .
Ce que je sais, c’est que ce fut très dur. J'ai continué à écrire sans rien envoyer. J'ai eu des pensées noires . Et comme pour me tourmenter d’avantage, un gars de la classe affirmait qu'il avait vu le prof de dessin lui faire la cour et qu'elle semblait y être sensible. Rétrospectivement , je revoyais toutes les situations qui m'avaient conduit à cet impitoyable et involontaire sophisme. Puis Je me souvins de ce jour où, dans un devoir, j'avais évoqué la poésie et mon admiration pour Eluard , Prévert, Aragon. Tout se remettait en place logiquement.
Un peu plus tard, à la sortie d'un cours, elle m'a rappelé. De son sac elle a sorti une enveloppe qu’elle m’a tendue en me disant "ça doit être à vous » .
Mon cœur battait , ma poitrine semblait devoir exploser. Dans la solitude des toilettes, j'ai ouvert l'enveloppe. Elle contenait mes textes. Je m’attendais à un petit mot, mais tout ce que je pouvais lire d'elle, était écrit en rouge …. des corrections ! Elle n'avait même pas compris que ces mots lui appartenaient. Je les avais ordonnancé avec amour comme on compose un bouquet. J’y avais mis une partie de moi-même. En réponse, couleur sang, s’étalait comme une définition du mot «cruauté».
Je n’ai jamais eu d’explications, je ne les ai jamais demandés. Je suppose seulement, qu’en me révélant, je lui avais gâché un certain rêve. A quoi s’attendait elle, à qui ? J’avais peut être été à l’origine d’une impitoyable méprise dont elle me rendait responsable. A l’attitude du professeur de dessin, je pressentis un peu plus tard, qu’il était dans une certaine confidence. Cette évocation m’était vraiment plus que pénible. Qui sait, peut être aurait il voulu être l’auteur de certains textes?
J'ai fait une dépression. Je suis resté deux mois à la maison. Quand je suis revenu, à la fin du premier cours elle m’a invité à rester et m’a demandé quelle était a raison de mon absence.
J’étais gêné . Elle a essayé de m’ aider en ajoutant « y suis-je pour quelque chose » ? Je n’arrivais pas à me débarrasser de ce calot douloureux qui me bloquait la gorge, mais mon silence était plus que l’esquisse d’une confession. Alors elle a ajouté « écrivez le moi. Sous la forme qui vous convient ». Là , je me suis entendu dire « ça comptera pour le troisième trimestre ? » .Elle m’a souri comme jamais auparavant, tendrement, et je pense avoir lu dans son regard l’excuse qu’elle n’arrivait pas à formuler . « Non , pour les notes qui vous manquent , j’ai déjà beaucoup trop corrigé… » .Cette phrase , elle ne l’a prononcé que dans mon imaginaire. Je lui ai écrit à nouveau , mais n’ai plus rien envoyé.
Peut être qu’en le racontant aujourd'hui la cicatrice va enfin totalement se refermer.
Après j'ai continué à écrire pour les autres, mais j'ai tout gardé au fond de moi. Sans doute écrit t-on toujours pour soi !
Puis, caché derrière l’anonymat de la grande toile, j’ai recommencé à écrire, et j'ai commencé à cultiver la dérision, comme une armure. J' ai dilué la vraie couleur de mes sentiments dans des mots d'humour, comme on met du fard sur le visage d'un clown.
Après tant et tant d ‘années , je me l’imagine .Elle doit avoir plus de soixante ans, et peut être, recherche t-elle à reconstituer dans sa mémoire, des bribes de poésies qu’elle n’avait sans doute même pas daigné recopier. Des textes certainement puérils, ni d’Aragon , ni de Desnos ,mais dont elle avait eu l’exclusivité. Longtemps, j'ai rêvé de la rencontrer, j’aurais eu le courage de lui poser la question qui n’avait jamais cessé de me hanter. Pourquoi a-t-elle refusé un bouquet ? Et puis plus récemment j'ai compris que mon comportement avait été singulièrement égoïste, qu'à aucun moment je ne m'étais posé la question de savoir si elle était prête à recevoir un message exprimant beaucoup plus que l' ambiguïté d' un simple bouquet.
Depuis j’ai tenté de m’imprégner de cette assertion : Etres vaniteux , suffisants et aveuglés par la passion , levez les yeux et prenez ,en admirant l'étendue du ciel étoilé, la vrai mesure de l’humilité.
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pascal
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pascal


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où t'habites? : là où l'amour tarde....
Date d'inscription : 14/09/2004

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MessageSujet: Re: J'avais 17 ans...   J'avais 17 ans... Icon_minitimeVen 7 Jan - 6:59

je pense qu'on a tous été amoureux d'un de ses profs..... moi aussi elle était prof de français mais j'étais bien trop timide pour lui écrire... par contre elle a peuplé mes soirées!!

Encore aujourd'hui.. j'ai un faible pour une prof de français! et cette fois je ne me gêne pas pour lui dire!!!
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Renard
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Renard


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où t'habites? : Dans le terrier , près de Momotte
Date d'inscription : 18/09/2004

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MessageSujet: Re: J'avais 17 ans...   J'avais 17 ans... Icon_minitimeVen 7 Jan - 15:10

Une sacrée belle histoire , Christian , et j'espère que de la raconter à quelques amis t'aura fait un peu de bien à l'âme...

Pour ma part , de l'école je me souviens surtout de la colle , non pas celle qu'on sniffe mais de celle qui vous rive à votre siège , dans une sinistre salle de classe pendant que vos potes se font un foot endiablé au soleil (ou même sous la pluie d'ailleurs , peu importe !) , le mercredi matin ! beuh ...évidemment , parler d'amour dans ces conditions relève de la science-fiction !
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Léon le Wacky
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où t'habites? : Chez toi, si tu m'invites.
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MessageSujet: Re: J'avais 17 ans...   J'avais 17 ans... Icon_minitimeVen 7 Jan - 20:36

On dit toujours qu'il faut éviter de mélanger les sentiments et les affaires, mais les sentiments ne se commandent pas... Tu m'as ému, Christian pleure, et j'espère aussi qu'avoir raconté ton histoire t'aura soulagé.

Je n'ai pas été amoureux de ma prof de français, mais elle a joué un grand rôle dans mon développement personnel... J'étais dans le libre, et aujourd'hui, je ne me sens plus tellement en symbiose idéologique avec mes profs de l'époque. Mais cela ne m'empêche pas de leur être reconnaissant pour ce qu'ils m'ont apporté.
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naej
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MessageSujet: Re: J'avais 17 ans...   J'avais 17 ans... Icon_minitimeVen 7 Jan - 20:46

Vraiment émouvante ton histoire Christian... Moi je ne suis jamais vraiment tombé amoureux d'une prof... D'une pionne peut être...
Si je devais me souvenir d'un prof en particulier et avec gratitude, ce serait mon prof d'Espagnol de la 4ème à la terminale, car il m'a fait découvrir l'immense richesse culturelle de ce pays : Lorca, Machado, El Greco etc. ainsi que l'histoire des Républicains en 36...Je pense qu'il a grandement orienté mes opinions politiques...

Renard, moi j'ai été interne de la 6ème à la terminale... Il m'est arrivé de ne pas rentrer chez moi durant tout un trimestre à cause des colles pour indiscipline !
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Momotte
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MessageSujet: Re: J'avais 17 ans...   J'avais 17 ans... Icon_minitimeVen 7 Jan - 22:39

cry Je la trouve bien triste ton "aventure" Christian ... elle t'a même mené vers une dépression , c'est terrible ce que tu nous livres là ... larme
Elle aura au moins été ta muse , et si je peux lire aujourd'hui "coups d'humour ... et d'humeur" , c'est sûrement qu'elle y est un peu pour quelque chose !
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Gastonlebrave
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MessageSujet: Re: J'avais 17 ans...   J'avais 17 ans... Icon_minitimeVen 7 Jan - 22:41

J'étais un enfant très raisonnable et j'ai attendu d'être enseignant moi même pour tomber amoureux des profs de français mais dans ce domaine, j'ai aussi connu des déceptions...
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MessageSujet: Re: J'avais 17 ans...   J'avais 17 ans... Icon_minitimeSam 8 Jan - 1:18

J'ai connu l'histoire inverse.
Un garçon un peu plus agé que moi et que j'avais rencontré quand j'avais 17ans. c'était un ami de ma soeur, je le connaissais plutôt bien. On est sorti ensemble le dimanche, le lundi matin il m'attendait devant la porte du local d'histoire... c'est lui qui venait remplacer ma prof en congé de maternité... cogne

On a été très embêté, très mal à l'aise, si j'avais pu me cacher dans le banc, je l'aurais fait !!!




Euh.. Christian, mon casier, c'est le 46 ... rougit
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MessageSujet: Re: J'avais 17 ans...   J'avais 17 ans... Icon_minitimeMar 18 Jan - 12:13

Je n'avais pas encore lu ce texte... Diane de Poitiers s'est bien souvent réincarnée !
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MessageSujet: Re: J'avais 17 ans...   J'avais 17 ans... Icon_minitimeMer 19 Jan - 14:25

Ce texte est splendide !

Moi j'en avais 18. On étouffe à ne pas dire je t'aime.
J'ai attendu 17 ans avant de le lui dire
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MessageSujet: Re: J'avais 17 ans...   J'avais 17 ans... Icon_minitime

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