LE FOL UNIVERS DE GASTON LEBRAVE
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LE FOL UNIVERS DE GASTON LEBRAVE


 
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 Projet de Roman

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Léon le Wacky
Rhita
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Rhita
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Rhita


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MessageSujet: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeJeu 10 Aoû - 0:47

Moi Ghalia la Rifaine, je suis contrainte de rompre mon silence, contrainte de m'extraire de ma douce folie, peut –être pourrais je t'aider toi le fils arraché à mes entrailles par la force du convenable. Toi le fils, qui n'a fait que me traverser afin d'atterrir dans des bras estimés plus dignes par les codes d'une société que j'aie renié jadis pour des raisons qui sont aux antipodes des tiennes.
Tu ignores jusqu'à mon existence et je n'y pouvais rien. Qui pourrait donner crédit aux paroles d'une folle certifiée, trainant son inaptitude morale le long d'une vie qui lui a échappée tel le mercure dans un parcours parsemé d'absences intermittentes ?
Aujourd'hui mon fils, ta dérive me pousse à crier tout haut, ce que je n'ai jamais osé prononcer même dans les moments de liberté à outrance que la folie me procurait. Elle réanime en moi le génie des lucides me permettant de reconstituer le mercure éparpillé pour que tu saches.
Du haut de la folie où j'ai trôné, j'ai toujours pensé que l'homme est le fils de ses dérives. Et j'ai souvent porté un sourire clément sur certaines dérives reconnues comme telle par la société. Mais ta dérive mon fils est d'un genre nouveau. Elle propage la terreur et meurtrit les cœurs. Une dérive qui par ses bourrasques sanguinaires stimule les haines enfouies. Elle prône le sang et se proclame de la juridiction du tout puissant.
Tu es convaincu de ta vérité et cela te donne la force des chevaliers d'antan. Mais qui pourrait se vanter de détenir la vérité des vérités ? Saches mon fils que les vérités évoluent si elles ne changent pas, s'estampent si elles ne disparaissent pas, s'accommodent si elles persistent. Ta vérité d'aujourd'hui peut s'avérer à tes yeux l'horreur de demain.
Tu vas devoir me lire comme j'ai eu à te deviner. Je ne demande ni ta clémence, ni même ta reconnaissance vu que là ou je me situe l'écho de toute chose prend une résonance particulière.
Lis, lis jusqu'au bout et peut-être qu'à la fin de ce petit voyage que je t'offre tu te décideras à puiser au fond de toi pour trouver réponse à ton existence, au lieu de fixer un ciel qui a d'autres préoccupations que toi mon fils. Tu aspires au paradis ? Il est en toi, éclos tes passions et tu le découvriras aussi merveilleux que ce qui est promis à tout bon croyant.
Je sais bien qu'il t'est impossible de mettre en exergue la moindre de tes passions aujourd'hui, pour la simple raison que ton corps est une propriété empruntée, c'est le cas de tous les prisonniers du monde. Mais c'est à ton esprit que je m'adresse. Oui mon fils, cet esprit que tu as cantonné volontairement dans une ligne de pensée à une seule extrémité. Je t'implore de le libérer, de l'ouvrir sur les autres, il se trouve qu'il y'à d'autres voix à écouter que la tienne et celles de tes pédagogues fantômes. Le monde auquel tu aspires est monotone et au bout d'un certain moment cessera de nourrir ton âme. Il n' y'à que dans la diversité qu'un être peut vraiment s'accomplir.

Je me suis présenté à toi comme Rifaine, mais ce n'est pas une identité que je réclame, j'étais à mes yeux plus folle que Rifaine. Les gens autours de moi ont convenu de me rappeler souvent une origine occultée et c'est ainsi que je suis devenue Ghalia la Rifaine.
Fut un temps au Maroc mon fils, où les gens se situaient davantage dans les événements que dans le temps. Les faits historiques qui ont fait ou défait leur histoire ont remplacés les années. Ainsi personne ne disait mon fils est née à telle date de l'année 1956, mais plutôt durant l'année de l'indépendance. L'événement a en fait absorbé l'année. en cette période les références ne manquaient pas. Il y'avait l'instauration du protectorat, le Dahir berbère, l'année de la famine, la guerre d'Algérie, la mort de Mohammed V, le tremblement de terre d'Agadir, le soulèvement de telle ou telle ville, le manifeste de l'indépendance, le retour du roi…
Quand le livret de famille est devenu obligatoire, il y'en a qui se sont perdu dans les références, ou tout simplement par peur de la vieillesse ont déclaré des dattes de naissances erronées à eux et à leurs progénitures.

Pour ma part je suis née lors de l’année de la famine. Cette année a été souvent citée ainsi et donc je ne ressentais aucune gène par rapport au fait que j’ignorais la date exacte de ma naissance. Mère me répétais souvent qu’on pourrait avoir l’age qu’on voulait à condition de l’assumer. En disant cela elle pensait bien entendu à elle-même puisque qu’elle était marié longtemps avant sa puberté, qu’on lui avait attribué l’age nécessaire et qu’elle avait plutôt bien assumé.

Je crois que je devais avoir huit ou neuf ans en cet été de l'année 1953 . Officiellement j'en avais six. Grand-mère dormait malgré la touffeur. Mère, tante Kelthoum et moi, étions regroupées autours du poste de radio essayant désespérément de capter des détails sur l'exil du Roi Mohammed V. notre vitesse d'écoute dépassait la voix du speaker du BBC. J'avais les muscles atrophiés, mes lèvres me faisaient mal, tellement je les aie mordu durant toute la soirée. La période d'occupation ne reconnaît pas l'enfance et c'est très tôt qu'on se trouve propulsé dans les tracas des adultes. Le protectorat qui n'était plus reconnu comme tel depuis le fameux "Dahir berbère" avait porté un coup à la fois dur et stimulant pour la résistance. Ma mère répétait presque en chuchotant : les traîtres, les traîtres, les anciens avaient raison de dire " reste loin de ton sang de crainte qu'il te macule" elle faisait bien entendu allusion au tout puissant Glaoui. A peine sa phrase achevée qu'un bourdonnement à la porte nous fît sursauter. Pour un instant j'ai cru que nous étions aussi important que le roi et qu'on venait pour nous exiler aussi. L'avion me faisait rêver mais c'était un vol assez spécial qui m'attendait.
Ma mère en résistante accomplie s'approchât de la porte un couteau à la main.
- C'est qui ? Une voix d'homme de l'autre côté répondît dans une langue qui ne m'était pas étrangère.
Nous nous regardâmes d'un air solidaire mais soucieux.
- que veux tu ? La voix semblait de plus en plus nerveuse, mais mère décelât la voix de notre voisine Yamina dialoguant avec le mystérieux visiteur en Tarifit. J'étais la plus jeune de ces femmes aux visages décomposés et je suivais leurs regards effarés sans rien déceler, j'aurais donné n'importe quoi pour comprendre.
- ouvre Damya, ouvre.
Dans ma torpeur j'avais cru que la porte avait pris vie et incitait ma mère à ouvrir une issue à je ne sais quelle tornade.
Après de brèves hésitations mama ouvrît la porte et je découvris avec stupeur un couple que je n'ai jamais vu auparavant et qui n'avaient guère l'air d'invités de dieu.
L'homme était très grand le visage osseux plein de craquelures, un regard à la fois fière et sévère rappelait étrangement celui d'un aigle maître de son territoire. Dans ma stupeur j'ai pu quand même déceler une beauté lointaine émanant de ce visage menaçant qui m'effrayait. A côté de lui une femme humble impossible à décrire non seulement elle était enveloppée dans un amas d'étoffes insipides mais elle ne cessait de fixer le seuil de notre porte.
Mon inquiétude décuplait au fur et à mesure que je me rendais compte que tout le monde semblait les reconnaître. Elles qui étaient constamment réticentes à tout ce qui se rapprochait de près ou de loin du monde paysan. Elles m'ont apprit à les dénigrer surtout ceux qui n'arrivaient pas à améliorer leur manière d'être ou comme diraient les français d'alors à se "civiliser".
Avec un sang froid presque absurde, mama lançât à yamina un – dis leur que nous n'avons rien a nous dire, ils ont vendu, j'ai acheté.
Dans ma petite tète j'étais plus au moins rassuré, il était peut être question de l'huile d'olives pure, ou alors de miel tout aussi pur que les paysans vendaient à meknès.
- ils veulent de l'argent cette fois-ci damya, si non ils menacent de la reprendre.
En marmonnant cette phrase yamina m’adressât des regards furtifs, comme quand elle s'efforçait de maîtriser l'art de l'insinuation.
Avant que je puisse réaliser ce qui se tramait devant mes yeux, d'un tour de main prompt je me suis retrouvé dans le camp adverse, comme un rat pris au dépourvu.
Je tentais de me dégager en criant de toutes mes forces, mais j'avais l'impression d'être dans un de ces cauchemars où les cris n'aboutissent jamais. J'avais la bouche ouverte mais aucun son n'émanait de moi. Ce soir, mon fils, j'avais appris la solitude.
Les habitants de Zkak Kermoumi alertés par les cris de ma famille s'accumulèrent dans notre étroite ruelle. Le sujet du tumulte est désormais une affaire commune.
Personne ne me regardait, ils étaient affairés les uns les autres à se raconter mon histoire, mon autre histoire. Il était question d'une rondelle de pain, de l'année de la famine…, des bribes d'histoire qui pleuvaient sur moi sans que je puisse les esquiver. Je tentais de me délivrer de cette folie mais le prédateur tenait bien sa proie. Peut-on vraiment échapper à ses origines ?
Un moment de silence s'installa comme par miracle dans ce tumulte de langues et j'ai cru entendre des gémissements du côté de l'amas d'étoffes qui était tout aussi invisible que moi. C'est alors que Damya se lança : tu veux la ramener ? Vas-y, mais n'oublis pas que tu es à Meknès. Ici ce n'est pas bled siba. Elle porte le nom de la famille. Le Makhzen est avec moi.
La main de fer se raidît davantage et j'avais sentie une fracture quelque part en moi. Notre visiteur n'avait plus besoin d'interprète. Le mot Makhzen avait un effet magique sur lui. Et c'est dans un vacarme d'injures en espagnole qu'il me poussa vers mon camp que je ne reconnaissais plus.
Mes origines avaient quitté Zkak Kermoumi sous l'œil attentif de tout un quartier qui dès le lendemain baptisa la soirée" la nuit des Rifains".
La foule ne se dissipa pas de sitôt, tout le monde émettait des opinions sur la bravoure de damya et la mesquinerie de cet homme qui avait tenté d'installer un chantage médiocre.
- l'homme meurt pour sa patrie, son honneur, ou ses enfants.
Comme un chien battu, je vagissais, tournait en rond dans le grand patio à ciel ouvert que je maudissais. J’avais besoin de me cacher et de sangler une partie de mon corps qui m’échappait. La main de fer m’avait administré une sève qui m’apprenait ma véritable naissance. Je tentais de me cacher malgré le fait que je sois invisible et que nul n’avait pris conscience que l’histoire qu’ils étalaient avec soin était mienne.
Par instinct juvénile j’ai cherché refuge dans les fêlures qui peuplait la face de ma grand-mère. Elle avait souvent le mot, le soupir la parabole qui convienne. Mais ce soir je cherchais réponse à mes questions, des questions qui me dépassaient certes mais qui persistaient.
Ma boule d’oxygène dans la gorge je me suis orienté vers sa chambre où elle était souvent accrochée à son chapelet à demander pardon et a psalmodiait des refrains qui m’étaient encore inaccessibles.
Elle était dans le coin le plus sombre de la pièce, celui qui la mettait à l’abri de ses souvenirs, dans cette chambre où elle a toujours vécu et où elle attendait tendrement une mort certaine. C’était en tout cas ce qu’elle me répétait souvent quand je devenais agaçante avec mes pourquoi qui n’en finissaient pas.
Sans interrompre ses implorations elle me faisait signe de s’approcher et donc j’avais compris qu’il fallait le faire dans un silence religieux comme c’était le cas à chaque fois que je franchissais le seuil de sa chambre.
J’ai mis la tête sur ses genoux tout en essayant d’étouffer mes pleurs afin de ne point troubler ce beau silence qui m’accueillait et qui n’avait guère l’intention de me juger.
Elle a commencé à défaire ma longue natte et ce n’est qu’à cet instant précis que j’ai eu le sentiment que la partie de mon corps qui m’échappait était bel et bien sanglée et que je suis totalement invisible dans le noir nuit de ma chevelure.
Grand-mère m’avait offert un moment d’évasion inespéré…….


caliméro votre avis please soyez indulgent



Dernière édition par le Ven 11 Aoû - 19:52, édité 1 fois
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Léon le Wacky
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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeJeu 10 Aoû - 1:03

Bon retour sur le FolU, chère Rhita. Bravo, ton début de roman a du souffle, on attend la suite. bravo

Deux petites corrections, si tu me le permets : il faut dire "mama ouvrit la porte" et "des bribes d'histoire". souri2
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Rhita
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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeJeu 10 Aoû - 1:08

merci leon
ma souffrance éternelle c'est c'est foutues erreurs, j'aurai besoin d'un vrai coup de main. bof
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fourbi
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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeJeu 10 Aoû - 10:24

Je suis rentrée tout de suite dans le texte et l'histoire. Continue vite, c'est très intéressant. La description croisée et les relations entre la mère et son fils promettent d'être passionnantes.
J'ai relevé 1 petite erreur pour ma part :
- j’ai cherché refuge dans les fêlures qui peuplé la face de...
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rainai
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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeJeu 10 Aoû - 19:49

ça me paraît pas mal et je suis certain que la lecture du texte me confortera dans cette idée. hop
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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeVen 11 Aoû - 18:31

rainai a écrit:
ça me paraît pas mal et je suis certain que la lecture du texte me confortera dans cette idée. hop

Bonjour Rainai
ravie de faire ta connaissance, j'ai les mains plus ou moins liées parce que je comptais m'attaquer à un sujet chaud qui consiste à dénoncer une pratique malsaine dans une sorte d'autocritique de la société dans laquelle j'évolue, mais ce qui se passe actuellement rend la tache rude. élever une voix laïc et surtout libre relève de la trahison. selon le dictionnaire le petit Bush ou on est terroriste ou on est mécréant. il me fait chier ce monde mais je ne renonce pas
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Rhita
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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeVen 11 Aoû - 20:05

fourbi a écrit:
Je suis rentrée tout de suite dans le texte et l'histoire. Continue vite, c'est très intéressant. La description croisée et les relations entre la mère et son fils promettent d'être passionnantes.
J'ai relevé 1 petite erreur pour ma part :
- j’ai cherché refuge dans les fêlures qui peuplé la face de...

merci fourbi

la suite

Grand-mère m’avait offert un moment d’évasion inespéré, elle m’avait fait comprendre que chacun d’entre nous avait une ombre qui plane sur sa naissance, je suivais des yeux celle projetée sur le mur, une étrange et énorme créature buvant une ligne toute nouée dans un mouvement pieusement synchronisé. Le halo de la bougie qui éclairait notre intimité m’ouvrit la porte de cette berceuse que lalla me chuchotait. C’était les années 40 mon fils je ne peux trancher sur la date exacte, l’important c’est que c’était la période de la grande famine qui avait frappé le Rif, la terre se refusait à l’Homme et ne lui montrait qu’un visage fracassé par la sécheresse. J’ai compris que j’étais le fruit d’un sperme affamé accueillit par un ovule aussi froissé que la terre qui témoignât alors de sa fécondation .Mes parents désemparés par les sévices de la famine et des épidémies qui ravageaient la population ont dû quitter leur terre non sans déchirement j’imagine, dans un flux migratoire qui avait envahit toutes les villes plus au moins épargnées, quoi que…
Je suppose que mes parents avaient parcouru des centaines de kilomètres à pied et je n’ose même pas imaginer ce que ma mère a dû inventer pour se nourrir afin de me procurer un peu de lait. Après un long et pénible voyage vers la vie, ils atterrissent à Meknès la cité prospère. Je les imagine déambulant dans les ruelles de Kobt Essoukd du côté des musulmans bien sur puisque la frontière de la ville européenne était bien gardée et nécessitait un laisser- passer. Ils sont tombés fortuitement sur mama Damiya et pour conclure leur transaction ils n’avaient pas besoin d’interprètes, les instincts primaires qui les animaient tous n’avaient pas besoin de langues. J’étais vendue pour une rondelle de pain d’une trentaine de centimètres à une femme qui ne pouvait avoir d’enfant d’où mon prénom Ghalia (chère) et je l’étais vraiment, lalla disait que mes parents avaient eu la vie sauve grâce à moi et que mama Damiya leur a épargné une bouche de plus à nourrir.
Avec le temps j’avais réalisé le bourbier où se trouvaient mes parents mais ce qui m’avait dépouillée de toute fierté c’est le fait qu’ils soient revenus des années plus tard non pour me récupérer mais juste pour réclamer une indemnité. J’aurais voulu qu’ils se battent pour moi comme ils se sont battus contre la mort et la rudesse de la terre, j’aurais voulu vivre leur misère mais être en parfaite harmonie avec mes origines. Désormais j’occulterais souvent « la nuit des Rifains » de crainte de mettre en exergue la fausse note de mon existence et ce soir là mon fils ni le roi ni la résistance ne me préoccupait. J’avais même reproché à Abdelkim El Khattabi d’être rifain et je me disais que l’héroïsme ne pouvait cohabiter avec la lâcheté.
De temps à autre je revoyais l’image estampée de ma véritable mère mais mon cœur ne faisait que durcir. Elle ne pouvait rien faire contre le despotisme de son mari mais elle aurait au moins pu m’adresser un regard, me tendre une main, j’en avais besoin dans ce moment de solitude qui m’accompagnerait toute ma vie.
Avec mama nous n’avons jamais parlé de cette cassure, le silence et l’embarras imprégnaient notre relation de mère maîtresse et fille esclave. Elle était très rigoureuse et faisait tout pour que le projet de femme que je fus aboutisse et je lui vouais la reconnaissance qu’elle réclamait par la ruse et la prétérition. Le verbe avait une importance capitale dans l’apprentissage de la vie que j’ai dû suivre dans cette grande maison dépourvue d’hommes.....

cry suis je à côté de la plaaaaaque?


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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeSam 12 Aoû - 18:48

Quelques corrections, à mon avis :
J’ai compris que j’étais le fruit d’un sperme affamé accueillit par un ovule aussi froissé que la terre qui témoignât alors de sa fécondation .Mes parents désemparés par les sévices de la famine et des épidémies qui ravageaient la population ont quitter …
Je suppose que mes parents avaient parcouru des centaines de kilomètres à pied et je n’ose même pas imaginer ce que ma mère a dû inventer pour ... puisque la frontière de la ville européenne était bien gardée et nécessitait un laisser-passer. Ils sont tombés fortuitement sur mama Damiya et pour conclure leur transaction ils n’avaient pas besoin d’interprètes, les instincts primaires qui les animaient tous n’avaient pas besoin de langues. J’étais vendue ...
Avec le temps j’avais réalisé le bourbier où se trouvaient mes parents mais ce qui m’avait dépouillée de toute fierté.... Désormais j’occulterais souvent « la nuit des Rifains » ...
... j’en avais besoin dans ce moment de solitude qui m’accompagnerait toute ma vie.
...de la vie que j’ai suivre dans cette grande maison dépourvue d’hommes.....

Pour ce qui est du contexte actuel, il est plus que jamais temps d'évoquer ces sujets, non ? Enfin, je trouve ...
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Rhita
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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeDim 13 Aoû - 1:53

Pour ce qui est du contexte actuel, il est plus que jamais temps d'évoquer ces sujets, non ? Enfin, je trouve ...[/quote]

je ne sais comment te remercier fourbi

la raison qui me pousse à écrire ce texte est un racisme flagrant qui ne date pas d'hier. le plus énervant c'est que rares ceux qui le reconnaissent comme tel. il apparaitra en fait au milieu de l'histoire dans une pratique de langage quasi quotidiènne (racisme contre les juifs)
alors le contexte actuel me complique la plume
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Rhita
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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeDim 20 Aoû - 20:05

Je devais apprendre les adages pour chaque circonstance et leur signification, savoir écouter les autres et employer la bonne parabole pour montrer sa compassion ou administrer son venin, maîtriser le mot et savoir l’employer à son avantage tout en restant discrète, pudique, presque invisible car une femme se doit d’être discrète comme si le fait qu’elle existe est une véritable indiscrétion. En tout cas c’était ainsi que je me suis sentie, une indiscrétion que je devais dissimuler en évitant de hausser la voix, de rire en éclat…. Mais la chose capitale que ces femmes d’expériences m’apprenaient dans un psittacisme agaçant c’était le fait de rester chaste jusqu’au grand jour. Ce grand jour était une fin en soit dans la vie des femmes et se résumait à être une bonne candidate pour le mariage mais ce que je trouvais étrange c’est qu’aucune d’entre elles ne m’apprenais que je pouvais choisir mon futur mari. Il faut tout faire pour plaire aux femmes (futures belles mamans) et attendre.
Etre une bonne ménagère et attendre ce que le mektoub décidera pour moi. Dans cette attente mon fils j’ai dû m’armer de beaucoup de patience. Partagée entre ce que les livres m’apprenaient et ce que ces femmes tentaient de faire de moi à savoir un reflet d’elles mêmes fatalement figé dans le temps.
Je comprenais mieux pourquoi la plupart des hommes refusaient de donner une éducation à leurs filles, et j’étais contente voire même fière de faire partie du lot qui échappait aux ténèbres. Acquérir une richesse que nul ne peut me dérober faisait partie de mes priorités. Les livres représentaient pour moi une issue de secours que j’empruntais à chaque fois que je me sentais désemparée, tiraillée entre le bon sens et l’acquis. Je buvais les écrivains de tous bords dans un réseau d’échange de livres que nous avons constitués en classe. Tous les moyens étaient bons pour se procurer une dose de lecture, profitant bien entendu de l’illettrisme de nos entourages respectifs.
J’avais une amie intime, la seule qui partageait avec moi mes véritables secrets. Nous étions liées par un lien que je qualifierais de familiale malgré les apparences. Son père, que j’appelais Khalil Driss était le frère adoptif de mama damia. Encore une histoire décousue qui obsédait Assiya assoiffée d’apprendre le moindre indice sur la véritable naissance de son père.
Nous suivions passionnément les nouvelles des résistants et toute action aussi minime soit elle les aidait à tracer le chemin de la liberté. Certaines femmes feintaient la grossesse en transportant sous leurs djellabas des armes, d’autres abritaient clandestinement des résistants traqués par les sénégalais et les traducteurs algériens… ces agissements se tissaient dans un climat prudemment silencieux dans la crainte qu’un murmure ne soit intercepté par les oreilles- radars des Kawana (collaborateurs). Ces derniers représentaient l’arme la plus redoutable que la résistance devait affronter et amorcer dans une violence inouïe mais tout aussi silencieuse.
Les nouvelles pleuvaient et les histoires se succédaient célébrant la bravoure des Fedayines leurs ruses et leur détermination. Je vais te conter celle que je préférais de toutes.
Chaque famille qui comptait un détenu devait lui apporter le panier pendant les heures de visites. Un jour une femme s’est présentée un panier à la main en dehors des heures fixées pour les visites. Elle avait supplié le gardien pour qu’il le remette à son fils. Après avoir fouillé le panier qui ne contenait que des cigarettes et quelques gâteries, le gardien a demandé à la vielle femme
- comment s’appelle ton fils ?
- Yahya
- Yahya comment ?
- Yahya Ben Youssef
La vielle femme a dû répéter le nom de son fils pour que le gardien puisse le retenir en traçant un malicieux sourire en guise de remerciement.
Le panier à la main le gardien s’orientât vers la cour de la prison où se condensaient les sous-hommes en criant Yahya Ben Youssef mais personne ne répondait à son appel, encore une fois et cette fois-ci sur un ton plus nerveux, aucune réponse sauf un échange de regards entre prisonniers. Au troisième appel tous les gardiens sont restés effarés devant le cri collectif et assourdissant de la foule qui criait yahya Ben Youssef, yahya Ben Youssef…. ce nom –phrase qui voulait aussi dire vive Ben Youssef, avait déclenché la révolte refoulée chez ces hommes dépourvus de liberté, extraits de leurs torpeur par un message de la résistance émanant de la bouche de leur geôlier. Au cas où tu l’ignores mon fils, Ben Youssef était le nom de notre roi déporté.
En se racontant cette histoire le prénom de Yahya prenait une connotation particulièrement patriotique.
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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeLun 28 Aoû - 12:12

Un beau texte qui est ici un peu déservi par l'absence de passage de ligne... bref d'un peu d'aération Wink le probléme du web !
j'ai juste noté une possible petite erreur de frappe sur la première partie du texte en haut:
Saches mon fils que les vérités évoluent si elles ne changent pas, s'estampent ne serait ce pas s'estompent ?
bravo Rhita et bon courage pour la suite de ce difficile travail d'écriture ! bravo
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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeLun 28 Aoû - 21:20

merci Tym
tu as raison pour l'erreur de frappe
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Léon le Wacky
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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeMar 29 Aoû - 1:05

Tu as un vrai talent d'écriture, Rhita ! bravo
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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeMar 29 Aoû - 15:26

Léon le Wacky a écrit:
Tu as un vrai talent d'écriture, Rhita ! bravo

merci mon Léon,
tu ne sais combien ça me rassure et me donne du zèle pour continuer.
allez un calin smac
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Cqfd
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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeMar 29 Aoû - 16:44

En l'absence de Mme Fourbi, quelques suggestions :

Je devais apprendre les adages pour chaque circonstance et leur signification, savoir écouter les autres et employer la bonne parabole pour montrer sa compassion ou administrer son venin, maîtriser le mot et savoir l’employer à son avantage tout en restant discrète, pudique, presque invisible car une femme se doit d’être discrète comme si le fait qu’elle existe est une véritable indiscrétion. En tout cas c’était ainsi que je me suis sentie, une indiscrétion que je devais dissimuler en évitant de hausser la voix, de rire en éclat….(aux éclats) Mais la chose capitale que ces femmes d’expériences m’apprenaient dans un psittacisme agaçant c’était le fait de rester chaste jusqu’au grand jour. Ce grand jour était une fin en soit(en soi) dans la vie des femmes et se résumait à être une bonne candidate pour le mariage mais ce que je trouvais étrange c’est qu’aucune d’entre elles ne m’apprenais (m'apprenait)que je pouvais choisir mon futur mari. Il faut tout faire pour plaire aux femmes (futures belles mamans) et attendre.
Etre une bonne ménagère et attendre ce que le mektoub décidera pour moi. Dans cette attente mon fils j’ai dû m’armer de beaucoup de patience. Partagée entre ce que les livres m’apprenaient et ce que ces femmes tentaient de faire de moi à savoir un reflet d’elles-mêmes fatalement figé dans le temps.
Je comprenais mieux pourquoi la plupart des hommes refusaient de donner une éducation à leurs filles, et j’étais contente voire même fière de faire partie du lot qui échappait aux ténèbres. Acquérir une richesse que nul ne peut me dérober faisait partie de mes priorités. Les livres représentaient pour moi une issue de secours que j’empruntais à chaque fois que je me sentais désemparée, tiraillée entre le bon sens et l’acquis. Je buvais les écrivains de tous bords dans un réseau d’échange de livres que nous avons constitués en classe. Tous les moyens étaient bons pour se procurer une dose de lecture, profitant bien entendu de l’illettrisme de nos entourages respectifs.
J’avais une amie intime, la seule qui partageait avec moi mes véritables secrets. Nous étions liées par un lien que je qualifierais(qualifierai) de familiale (familial) malgré les apparences. Son père, que j’appelais Khalil Driss était le frère adoptif de mama damia. Encore une histoire décousue qui obsédait Assiya assoiffée d’apprendre le moindre indice sur la véritable naissance de son père.
Nous suivions passionnément les nouvelles des résistants et toute action aussi minime soit elle les aidait à tracer le chemin de la liberté. Certaines femmes feintaient la grossesse en transportant sous leurs djellabas des armes, d’autres abritaient clandestinement des résistants traqués par les sénégalais et les traducteurs algériens… ces agissements se tissaient dans un climat prudemment silencieux dans la crainte qu’un murmure ne soit intercepté par les oreilles- radars des Kawana (collaborateurs). Ces derniers représentaient l’arme la plus redoutable que la résistance devait affronter et amorcer dans une violence inouïe mais tout aussi silencieuse.
Les nouvelles pleuvaient et les histoires se succédaient célébrant la bravoure des Fedayines leurs ruses et leur détermination. Je vais te conter celle que je préférais de toutes.
Chaque famille qui comptait un détenu devait lui apporter le panier pendant les heures de visites. Un jour une femme s’est présentée un panier à la main en dehors des heures fixées pour les visites. Elle avait supplié le gardien pour qu’il le remette à son fils. Après avoir fouillé le panier qui ne contenait que des cigarettes et quelques gâteries, le gardien a demandé à la vielle femme
- comment s’appelle ton fils ?
- Yahya
- Yahya comment ?
- Yahya Ben Youssef
La vielle femme a dû répéter le nom de son fils pour que le gardien puisse le retenir en traçant un malicieux sourire en guise de remerciement.
Le panier à la main le gardien s’orientât vers la cour de la prison où se condensaient les sous-hommes en criant Yahya Ben Youssef mais personne ne répondait à son appel, encore une fois et cette fois-ci sur un ton plus nerveux, aucune réponse sauf un échange de regards entre prisonniers. Au troisième appel tous les gardiens sont restés effarés devant le cri collectif et assourdissant de la foule qui criait yahya Ben Youssef, yahya Ben Youssef…. ce nom –phrase qui voulait aussi dire vive Ben Youssef, avait déclenché la révolte refoulée chez ces hommes dépourvus de liberté, extraits de leurs torpeur par un message de la résistance émanant de la bouche de leur geôlier. Au cas où tu l’ignores mon fils, Ben Youssef était le nom de notre roi déporté.
En se racontant cette histoire le prénom de Yahya prenait une connotation particulièrement patriotique
.

et donc, tout ça ne fait pas grand chose dans un texte qui donne envie de connaître la suite...
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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeMer 30 Aoû - 17:40

votre aide est précieuse.
merci Cqfd smac
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MessageSujet: Re: Projet de Roman   Projet de Roman Icon_minitimeVen 13 Oct - 3:11

la suite
Un élan de nostalgie m’envahit quand ma mémoire me permet de me remémorer cette époque.
Le danger, la suspicion, l’emballement du cœur au rythme des secousses d’événements…
Mon être entier était imbibé d’un parfum révolutionnaire et criait un non sans nuance à l’ordre établit. Une révolution contre un père cupide, décevant par ses multiples mensonges, humiliant par son arrogance et son mépris.
Le père que je n’ai jamais eu, prisonnier d’un portrait qui trônait dans toutes les pièces de notre maison, affichant une pseudo protection à travers la tenue militaire de son tuteur qu’il portait orgueilleusement.
Un portrait souvent réanimé par mama dans une biographie orale qui dépendait en partie de ses états d’âme. Elle aimait cependant le peindre tel un homme, un vrai qui selon ses critères jouissait d’un caractère belliqueux et d’une incomparable présence. Au fil du temps j’avais une toile barbouillée de nuances de père. Dans sa description elle incluait souhait et vérité, le comment être parfait selon le manuel d’une femme que les circonstances ont condamné à vivre intensément le rôle de la mère et celui du père. Elle était intransigeante souvent radicale dans sa valse entre les deux extrêmes, sombrant dans la schizophrénie d’un être asexué qui avait pour mission de faire de la progéniture qu’elle n’a pas eue, une femme modèle pour celui que le filet du destin capturera.
J’aurais aimé connaître ce soldat indigène qui selon ce portrait ne me paraissait pas si belliqueux ; une étrange mélancolie se dégageait de ce visage de femme dissimulé derrière un artifice masculin. Je me demandais souvent comment une telle délicatesse avait pu combattre jusqu’au dernier souffle dans la bataille de Gembloux. Mère peignait ce massacre comme si elle avait porté les armes à ses côtés ; mais je n’arrivais pas à la cerner, toujours partagée entre la fierté et l’amertume de ne pas être la veuve d’un martyr. J’essayais tant bien que mal de la convaincre qu’il était le martyr de la liberté, une cause qui ne connaît pas de frontières, pourtant dans son cœur elle restât profondément attaché au songe qu’il aurait dû rester chez lui et honorer ses ancêtres au lieu de se sacrifier vainement.
Elle emmagasinait tous ses sentiments dans ce portrait, le pleurait à défaut de tombe, le cajolait, l’insultait….elle ne pouvait même pas le voir en moi puisqu’il ne m’avait pas connu ce qui m’attristait profondément et me poussait a inventer des rêves dont nous étions les héros lui et moi. Je lui contais mes mensonges telle une berceuse qu’elle interprétait à sa guise jusqu’à croire que Slimane communiquait avec elle à travers moi. Des souvenirs que je me suis fabriqué de toutes pièces afin de l’entraîner dans mon terrain préféré où elle était l’ombre d’une femme racontant l’histoire d’un homme solitaire, une sorte de libre penseur dont elle était éperdument amoureuse sans jamais daigner le lui avouer « une femme se doit d’être pudique surtout vis-à-vis de son mari »
Je n’avais jamais compris pourquoi père avait répondu présent à l’appel du roi et s’était porté volontaire à la mort, ni pourquoi le roi avait lancé cet appel en donnant son soutien inconditionnel à la France. Je ne pouvais trancher si nous étions en guerre contre un ennemi ou vivions nous tout simplement une querelle familiale. La France avait goûté à l’humiliation et la folie de l’occupant allemand, elle saluait le mouvement de ses résistants mais bizarrement les nôtres étaient qualifiés de terroristes. Elle détenait le drapeau de la liberté et en était fière et pourtant elle nous la refusait. Elle oeuvrait pour la liberté d’opinion mais son résident général n’en était pas convaincu quand il s’agissait de celle des indigènes. Bon nombre d’instituteurs nous ont appris par coeur le sentiment d’infériorité sans scrupule aucun. Mais nous avons appris à aimer la France d’un amour inconditionnel qui a perduré à travers le choix de nos lectures : La France de la pensée, celle de l’innovation, de la littérature constructive…,à travers les amitiés que nous avons étrangement noué avec ceux qui sont censé être nos ennemis. Oui mon fils l’amour peut prendre une allure de haine mais il finit par monter son vrai visage et les gens savaient faire la part des choses. Je t’en parle parce qu'aujourd’hui tu ne laisses aucune place pour l’amour dans ton cœur mis à part celui que tu portes à Dieu fort abusivement. Le but de la résistance de l’époque était l’émancipation une bien noble cause mais tous ses leaders étaient le fruit d’une instruction franco-marocaine. C’est en partie grâce à la France que le peuple dirigé par cette minorité instruite s’était soulevé contre l’injustice, contre la situation malsaine qui ne pouvait durer davantage à savoir la mise sous tutelle d’un pays souverain.
La minorité a parlé, les masses ont crié.
Quant à ta cause mon fils elle a pour but de soumettre le peuple au sabre de la pensée unique. Je tiens à te souligner que ni le bon sens ni l’évolution humaine ne le permet.
Au fur et à mesure que je gravissais l’échelle de l’âge mon esprit se remplissait de questions qui me taraudaient, des questions orphelines que j’ai gardé pour moi le long de ce mirage qui m’avait traversé plus que je ne l’ai vécu.
J’étais donc un projet de femme si je ne dis pas épouse et toute mon éducation tournait autours de cette finalité. Etre une parfaite épouse se résumait au fait de bien tenir une maison, être capable de s’accommoder avec sa belle mère c'est-à-dire appliquer à la lettre ses ordres et ne jamais lui donner le sentiment qu’elle n’est plus la maîtresse de la maison. Respecter son beau père et lui vouer l’obéissance absolue, maîtriser l’art de la cuisine et celui de la ruse féminine, et surtout ne jamais contrarier son mari ni repousser ses envies de crainte que les anges ne passent la nuit à me maudire parce que je pousse un homme à la débauche. La liste des actes qui peuvent contrarier un mari est très longue, il en résultait qu’il ne fallait point bouger le petit doigt sans consentement préalable de sa part.
J’avais néanmoins un avantage qui réjouissait ma mère. Elle disait souvent qu’elle ne se faisait aucun souci au sujet de mon avenir puisque j’étais une valeur sûre et recherchée.
- Ta blancheur ma fille est de celle du lait !
A chaque fois qu’elle faisait l’éloge de ma beauté, je remercie Dieu d’être sa fille et non la propriété d’un riche notable de Méknès. Autrement j’aurais pu faire partie de ses acquits et de ce fait en toute légitimité, il exercera le droit du maître sur son esclave. Aussitôt que mon esprit bifurque vers cet état de fait qui n’était pas rare, je considère à sa juste valeur la chance que j’ai eu en tombant sur une femme qui n’avait d’autre désir que celui d’avoir un enfant afin de meubler une solitude pesante.
Mère me contait souvent les histoires des Khdemes (servantes) pour ne pas dire esclaves, de ce garçon de neuf ans dont la perversité du père a atteint le comble d’offrir à son fils deux esclaves tout aussi mineures, l’une blanche, l’autre noire afin disait il de s’entraîner sur la chose sexuelle. Un caprice ? Un humour malsain ? Ou est ce la débauche d’un despote légitimant son crime par la magie de cette phrase « ce que possèdent vos droites » ?
Comment résister à la révolte contre le droit de posséder des êtres humains et d’avoir la main mise sur leurs sexualités, sans pour autant que ces derniers puissent avoir le moindre allié capable de plaider leurs cause en disant non à la mobilité de la loi sacrée ?
Pourquoi diable est ce que l’esclavage n’a pas été clairement aboli sans détours aucun ? Pose toi la question et médite là-dessus.
Tu as embrassé l’idéologie salafiste, celle qui nous dicte de puiser aux sources limpides notre façon d’être. Alors dis toi que tu aurais pu être un esclave et ce depuis ta naissance si jamais père m’avait vendu à l’un de ces criminels, tu n’aurais cependant même pas le droit d’aller à la mosquée pour la prière du vendredi sans que ton maître ne t’y autorise, tu aurais pu être à une époque pas si lointaine un eunuque, bonne compagnie inoffensive du harem de ton maître ! Dois- je te décrire la douleur de ces misérables alors qu’ils subissaient ces atroces mutilations ? Qui pouvait empêcher de telles horreurs ? al ghilmane ça te dit quelque chose ?
Dieu du ciel je n’arrive pas à croire que je puisse t’écrire mes révoltes enfouies ; mais il faut croire que l’exfoliation d’esprit que tu subit me pousse à crier mes douleurs dissimulées de crainte qu’elles ne redeviennent actuelles.
Comme je disais je devais me réjouir de ma blancheur surtout quand j’accompagnais ma mère au hammam et que je me dévoilais en entier aux regards scrutateurs des femmes, notamment de celles qui avaient un fils à marier.
Une révolte de plus contre ce système bien établit qui consistait à ne dévoiler les femmes qu’aux femmes. Les hommes se mariaient selon les désirs non avoués des femmes et ne s’en plaignaient pas.
Je me perdais dans cet univers où l’ambiguïté règne. On donne tous les droits aux hommes sauf celui de pouvoir choisir leurs partenaires. À ce stade de la vie ils redevenaient les enfants des femmes et n’en ressentaient aucun outrage...
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