Elle était arrivée un peu essoufflée à son rendez-vous. Les pommettes rosies... Sale temps! La pluie sur ses cheveux malgré le parapluie avait collé quelques petites mèches brunes sur son front. Un peu de sueur perlait sur sa lèvre supérieure. Et cette rue barrée à cause des travaux!
Depuis la salle d'attente elle avait pu entendre sa voix. Il la fit pénétrer dans son cabinet. Elle découvrit un homme jeune. Plutôt mignon. Elle raconta, un peu gênée, que c'était le port de certaines chaussures, loin d'être étroites, pourtant, qui avait... « Il suffit parfois d'une couture! » expliqua-t-il. « Oui, c'est ça, une couture, c'étaient des mocassins, maintenant, il n'y a plus que dans ces bottes que je suis bien, normal, elles ont une pointure de trop! » répondit-elle.
«Eh bien! On va voir ça! » lui dit-il, en l'invitant à prendre place sur cette espèce de fauteuil relax mis à la disposition des clients. Elle était en jupe ce jour-là. Elle retira ses bas, les enfouit dans ses bottes qu'il plaça un peu à l'écart et s'installa en position mi-allongée. C'était très confortable. Il s'assit à hauteur de ses pieds, en écarta chaque doigt pour les examiner avec attention. Il avait mis des gants. Néanmoins, à travers le latex, elle percevait la chaleur de ses mains, réconfortante sur la fraîcheur de sa peau. Puis il sortit lime, pince et autres instruments. Elle aurait été incapable d'en énumérer les noms mais même si ces outils étaient parfois coupants, leur contact n'était jamais douloureux.
Elle se détendait petit à petit. Il tripotait, ponçait, limait, polissait, râclait, tranchait. En douceur! Comme par magie il faisait disparaître des pieds menus de sa patiente les petites callosités et cors venus malencontreusement les enlaidir. Tout en manipulant l'objet de ses soins, il faisait la causette. Pour éviter, peut-être, que sa patiente ne s'abandonnât trop à la volupté?... ou par curiosité? Faire parler la mystérieuse inconnue... Faire connaissance, tout simplement. Il lui expliquait aussi le fonctionnement des muscles et tendons des pieds. La corde de l'arc bandé... Elle ne le suivait pas forcément dans sa comparaison mais acquiesçait. Ne pas s'abandonner au charme. Chasser de son imagination quelques images insensées qui lui venaient, tandis que ses orteils étaient si près de la bouche du jeune homme.
Quand les pieds furent lisses et débarrassés de leurs petits défauts, il appliqua sur leur surface une crème et se mit à les masser. Le bien-être ressenti était à son comble. Il était important, disait-il en exerçant un va-et-vient à la fois doux et ferme sur toute la longueur du pied, de bien faire pénétrer la crème. Enlever le surplus avec un linge ou essuie-tout pour ne pas glisser dans son soulier.
Il retira ses gants. Eut-il un remords? Pourquoi donc s'en vint-il à nouveau, pendant quelques secondes, flatter la plante de chaque pied de ses paumes chaudes? A mains nues.