BD Disney

Descendant spirituel d’Archimède, de Pythagore, de Léonard de Vinci, de Blaise Pascal et de Phil Hacoupay-Lebeurre (obscur inventeur à qui l’on doit l’invention qui porte son nom), voici Géo Trouvetou. Cet imaginatif personnage est un proche voisin de la famille Donald, mais n’est pas un parent. Il est d’ailleurs facile de voir qu’il n’appartient pas à la gent canardienne ; son bec recourbé et son allure dégingandée feraient plutôt penser au fruit des amours audacieuses d’un perroquet et d’une héronne.

Dans la version originale, Géo Trouvetou s’appelle Gyro Gearloose, et son premier nom français était "professeur S. Prifort" (Riez!!!). Géo est un inventeur qui invente, et qui invente tout et n’importe quoi… Dans le bric-à-brac de son laboratoire, on trouve aussi bien une fusée spatiale de poche qu’une boîte à lettres robotisée ou une paire de lunettes sans verres pour les gens qui ont une vue parfaite. Hein, quand je vous disais que c’était un génie…

Mais où va-t-il chercher tout ça ?! C’est la question qu’on pose généralement aux dessinateurs de BD et aux inventeurs talentueux. Eh bien, quand l’inspiration se fait paresseuse, Géo coiffe son "Nididé", un étrange chapeau en forme de nid dans lequel trois oiseaux cogiteurs réfléchissent intensément et poussent un cri puissant quand ils ont fait naître une idée fabuleuse dans le crâne de leur maître. Géo est également assisté par Filament ("Little Helper" dans la version originale), un minuscule robot qui porte une ampoule sur la tête au lieu de les avoir aux pieds.





L’ennemi de Géo Trouvetou est Oscar Rapace (Emile Eagle dans la version originale), un savant fou aussi pervers et diabolique que Géo est généreux et pacifique. Cet aigle blanc aux rêves malsains (le pendant négatif de l’aigle noir de Barbara ?!) tente par tous les moyens de s’emparer des plans de Géo Trouvetou et de détourner ses inventions pour en faire des engins maléfiques. En résumé, si l’un d’eux mérite le prix Nobel, l’autre mérite le prix Nabot ; et si le premier mérite de gagner le concours Lépine, le second est un cactus à lui tout seul.

Forte personnalité dotée d’un étonnant charisme, elle a le caractère énergique des fermières de jadis, la douceur des grands-mères débonnaires et les talents culinaires de Maïté (et faut avouer qu’elle est plus sexy), c’est Grand-Mère Donald, l'un des seuls membres de la famille à habiter la campagne, loin de Donaldville, au milieu de ses veaux, vaches, cochons et couvées. Si l’on en croit l’album de Don Rosa, La jeunesse de Picsou, Elvire Ecoutum (le vrai nom de Grandma Duck) serait la grand-mère paternelle de Donald, alors que Picsou est l’oncle maternel de son célèbre neveu. Grand-Mère Donald et Oncle Picsou ne sont donc pas du tout parents, bien que les BD Disney les présentent souvent comme faisant partie d’une même famille. De toutes façons, comme tous les humains descendent, paraît-il, d’un certain Adam et d’une incertaine Eve, Picsou et Grand-Mère doivent descendre tous deux du premier couple d’archéoptéryx.



Grand-Mère a un valet de ferme, Gus Goose, pour qui elle a la même tendresse que pour ses petits-enfants, bien que son utilité et son efficacité soient très contestables. Ce jeune factotum rustique apparaît d'abord dans un dessin animé des années 30, Donald’s Cousin Gus, où il se révèle être un insatiable boulimique. Après son entrée au service de Grand-Mère, on lui découvre aussi une flemmardite chronique, une paresse nonchalante que l’on ne trouve guère que chez les aïs du Panama, les tortues galapagos et certains fonctionnaires de l’administration décrits par Courteline. Et puisqu’on évoque l’auteur de Messieurs les ronds-de-cuir, on peut rappeler au passage cette phrase qui lui fut attribuée, et que Gus semble avoir faite sienne : "L’homme (ou le jars) n’est pas fait pour travailler. La preuve, ça le fatigue."

Etonnante galerie de persos , certains sont presque oubliés mais grâce à notre chroniqueur Léon ils retrouvent une seconde jeunesse !

Ah ma petite cure de jouvence...

Ceux qui envient l’existence d’un archimultimilliardaire nageant dans sa piscine d’or et courant le vaste monde à la recherche de richesses enfouies (je ne pense pas qu’ils soient très nombreux sur ce forum) devraient penser que les signes extérieurs de richesse attirent le contrôle fiscal oui, bien sûr, mais aussi et surtout la jalousie. Notre « pauvre » Picsou a au moins deux rivaux acharnés, qui convoitent son statut de canard le plus riche du monde, et qui attendent avidement le faux pas qui entraînera sa chute. « Les convoiteurs attendent », aurait pu dire mon compatriote Benoît Poelvoorde.

Le plus ancien des rivaux de Picsou, créé par Carl Barks en 1956, se nomme Gripsou (Flintheart Glomgold dans la version originale). Autant Picsou peut être attendrissant dans sa cupidité, autant Gripsou est l’image même du vieux ploutocrate aigri, malhonnête et sans scrupules.



Un autre rival fera son apparition en 1961 : il s’agit de Crésus Flairsou (John D. Rockerduck dans la VO).



Avec son cœur de Rockerduck, il a jamais su dire je renonce, et bien que sa place de deuxième milliardaire de Donaldville soit déjà très enviable, il refuse d’être le Poulidor de la finance, et comme Gripsou, il est prêt à tout pour faire chuter Picsou de son piédestal. Plus jeune que son prédécesseur Gripsou, et ne craignant pas de dépenser son argent si cela peut l’aider à en gagner davantage, Flairsou passe aux yeux de Picsou pour un parvenu (j’ignore s’il est pas r’venu, et sur ce point, je ne prends pas parti) et un panier percé (Non, il bosse pas avec Michael Jordan !), mais son dynamisme et son inépuisable énergie en font un ennemi redoutable.

Comme Gripsou, Flairsou a été créé par Carl Barks, qui ne l’a cependant dessiné qu’une ou deux fois ; il fera plutôt carrière dans les BD Disney italiennes. Gripsou, quant à lui, reapparaîtra dans la série animée Duck Tales, dont Flairsou est absent, sans doute pour des questions de droits.

Je me rappelle très bien de flairsou mais pas du tout de gripsou !

Tiens, ça fait un moment que je n'ai plus mis les doigts dans ce topic. Pourtant, y a encore du beau monde à présenter. Lui, par exemple...



Dans la catégorie des super anti-héros, ou des anti super-héros, ou des super-héros pas nantis et pas zentils, une place de choix doit être réservée à la double identité secrète de Donald. En 1969, Giovann Battista Carpi et Guido Martina réalisent une histoire intitulée Paperinik, il diabolico vendicatore, dans laquelle Donald devient propriétaire de la Villa Rose. Cette gentilhommière, qui a la couleur de l’aurore, des bonbons acidulés et des panthères bipèdes, renferme cependant un noir secret. Donald y découvre en effet un étrange journal intime ; ce document raconte comment l’ancien occupant des lieux a eu l’idée de se transformer en un mystérieux vengeur nocturne, afin de se venger d’une société qui le prenait pour un tocard. Donald trouve la tenue de combat de son prédécesseur cachée dans le double fond d’un fauteuil, et décide de devenir le vengeur masqué Paperinik, nom de scène formé sur Paperino, le patronyme italien de notre palmipède préféré. Dans la version française, il sera rebaptisé Fantomiald et sera la vedette de plusieurs Mickey-Parade.

En voyant les choses de loin, on pourrait se dire que Fantomiald (ou Paperinik, ou Superduck pour les anglophones) est à Donald ce que Super Dingo est à ce brave nicodème de Dingo. Ce n’est pas si simple… J’ai parlé d’anti super héros pour Fantomiald ; cela ne veut pas dire que le canard masqué soit un super héros raté à la Leslie Nielsen. Bien au contraire, il est presque plus efficace que Super Dingo, dont il n’a pas la nigauderie. Mais alors que Super Dingo est un super héros doux et candide, Fantomiald est rusé, retors, menteur, revanchard… Bref, la double identité a tous les défauts de l’original, et dans sa première apparition, Fantomiald-Donald trouve le moyen de se venger de Gontran en le discréditant de mesquine manière. Cette première aventure a été rééditée notamment dans le numéro 1 du défunt magazine Mickey Mystère, sous le titre Comment devenir Fantomiald.

On peut encore noter qu’à la différence de Super Dingo, Fantomiald ne possède aucun superpouvoir, et tire sa force de toute une panoplie de gadgets fournis par Géo Trouvetou (le seul à être au courant de l’identité de Fantomiald, il faut bien un pote qu’on met dans la confidence, c’est traditionnel et indispensable dans ces cas-là).

Dans les années 90, un autre canard masqué, nommé Myster Mask, fera son apparition dans l’univers Disney, et dans les années 2000, un sosie de Fantomiald, nommé Powerduck, sera le héros d’une série de science-fiction publiée dans Super Picsou Géant.



Myster Mask

Ah, Léon, il n'y a pas que du mauvais en toi et tes chroniques sont une eau fraîche étanchant mon abondante soif de disneylogie.

Fantomiald est une invention Italienne ? encore de la combinazione ?

Si Picsou a connu la ruée vers l’or du Klondike (ce qui, au fil des années, est de plus en plus difficile à croire, à moins que Picsou, dont on connaît les origines écossaises, ne soit une sorte de Highlander), d’autres ont préféré faire Woodstock. C'est le cas de Popop (Fethry Duck), un autre cousin de Donald. Très différent de Gontran et de Gus, Popop est un hippie inventif, farfelu, débordant d’idées élucubrantes et abracadabrantesques, une espèce de fils spirituel d’Antoine et de Gaston Lagaffe. Créé en 1963 puis appparu pour la première fois dans le journal de Mickey en 1971, il s’y fera une assez jolie place, allant même jusqu’à devenir co-vedette avec Donald, dans les histoires où les deux cousins sont journalistes à Picsou-Soir, le quotidien dirigé par leur oncle commun.



Au fil des années, ce cousin atypique s’effacera petit à petit des pages du journal de Mickey, jusqu’à en disparaître tout à fait. Toutefois, à partir de la seconde moitié des années 80, il reviendra en force dans Picsou Magazine et Mickey Parade, sous le pinceau de dessinateurs italiens et brésiliens.



Dans les histoires des années 70, un personnage haut en couleurs était souvent confronté à Donald, Popop et Picsou : le vieux montagnard Moïse Lamouise (Maid Hard Moe), flanqué de son chien Sakapuss. Le père Lamouise est le type même du "hillbilly", du péquenot rustique, mal dégrossi et heureux de l’être. Quand Popop et Donald viennent chez lui pour faire un reportage sur la vie des rudes cambrousards, ils sont généralement accueillis à coups de fusil, parce que le père Lamouise a beau être un bon bougre, il n’aime pas les "paysans d’ la ville", vingt mille pétoires !

Si , quand je lisais Mickey Parade , j'avais su que Popop avait fait Woodstock , il m'aurait été tout de suite plus sympathique !

Si j’étais chargé d’écrire des slogans publicitaires nullissimes, je pourrais vous dire que ces deux écureuils ont la bonne tactique, ou encore qu’avec eux, on est sûrs d’avoir l’heure exacte. Mais j’ai envie de rester sobre, et je me contenterai de vous dire qu’ils se nomment Tic et Tac.

Contrairement à Riri, Fifi et Loulou, aux trois nièces de Daisy ou aux deux neveux de Mickey, les espiègles Tic et Tac sont faciles à différencier. Tic a un museau noir, c’est le cerveau du duo, qui mêle action et réflexion. Tac a une petite houppe et un museau rouge, c’est le naïf comique et un peu balourd. Pour être zoologiquement précis, ces écureuils sont plutôt des tamias, des "chipmunks" en anglais. Dans la version originale, ils s’appellent… Chip and Dale. Bah oui, chippendale, mais ils ne font pas de strip-tease, comment le pourraient-ils, d’ailleurs, sinon en se rasant au dépilatoir ?! Il faut aussi se souvenir qu’avant d’être le nom donné à certains gigolos, le mot "chippendale" désignait un style de meubles ; ce dont Tic et Tac n’ont que faire, puisque pour eux, le seul appartement meublé digne d’intérêt est un arbre creux rempli de noisettes.

Ces deux rongeurs très sociables ont beaucoup d’amis dans leur forêt, notamment le porc-épic Pierrot Lapointe, ou leur petite camarade Clarisse, dont ils sont tous les deux assez amoureux, et qui est souvent l’objet de chamailleries entre eux. Ils croisent aussi à l’occasion Bambi, les sept nains, Pan-Pan le lapin ou Fleur la mouffette. Mais leur principal adversaire, celui qu’ils aiment faire tourner en bourrique, est ce cher Donald Duck. Bien que l’écureuil soit le symbole de l’épargne, rien n’est épargné à ce pauvre Donald quand les deux mangeurs de noisettes sont là, et s’il tente à son tour de les malmener, il apprend à ses dépens qu’il ne faut pas s’attaquer à Tic et Tac. Et toc !

C'est la honte ! j'avais jamais remarqué leur différence de couleur de museau !

C'est toujours un régal de lire ces posts de notre ami Léon sur l'Univers Disney qui n'est pas aussi basique qu'on pourrait le penser ! ça mériterait d'exister en bouquin en librairie, en plus ça me fait remonter plein de vieux souvenirs ou des personnages dont je ne me rappelais presque même plus !

Tik tak tik tak (bruit de mon coeur qui bat pour Léon).

Nad a écrit:

Tik tak tik tak (bruit de mon coeur qui bat pour Léon).

T'as le coeur d'une terroriste du Hezbollah ?

Nan, mais tourné vers le Liban en ce moment oui.

Petite précision quant à la jambe de bois de Pat Hibulaire : il ne s'agit pas du tout d'un "miracle" qui lui aurait fait retrouver sa jambe, mais tout simplement d'une nouvelle prothèse. En effet, dans une histoire de 1942 -que j'ai lue, bien que je n'en connaisse pas le titre français; c'est peut-être "Mickey bucheron" ? - il déclare avoir remplacé sa jambe de bois par une prothèse en forme de chaussure. Evidemment, son physique avait pas mal évolué depuis sa création : dans les toutes premières BD, il avait une jambe de bois qui lui remontait jusqu'au genou, mais ensuite c'était plutôt devenu un "pied de bois".

Dans une histoire italienne ("Mickey et la dimension Delta", je crois), Pat Hibulaire enlève sa chaussure, révélant sa vieille prothèse de bois.

Quant à Moule à Gaufres, vous êtes sûr que c'était un nom alternatif pour Pluto ? Je croyais que c'était un des premiers noms de Dingo.

Bienvenue, Nick Eetah, et merci pour cette précision utile et très intéressante concernant la prothèse de Pat Hibulaire.

Pour Moule à Gaufres, je confirme, c'est bien l'un des premiers noms de Pluto, bien que le recueil La fabuleuse histoire de Mickey, dans sa partie historique, l'attribue effectivement par erreur à Dingo.

Pour la jambe de bois, j'ai lu quelque part que c'était pour ne pas stigmatiser les handicapés, mais il semble que la vraie raison ait été que le dessinateur Floyd Gottfredson en avait assez d'être obligé de se souvenir si c'était la jambe droite ou la gauche (et effectivement, j'ai vérifié : il lui arrivait de se tromper). Par contre, le fait que Pat Hibulaire soit censé avoir un pied en moins est oublié par la plupart des auteurs et je crois bien avoir vu une histoire où il apparait pieds nus, et avec ses deux pieds (à moins qu'il n'ait désormais un pied en plastique très réaliste ? )

Sinon, il me semble un peu injuste d'écrire que Walt Disney lui-même n'a jamais scénarisé la moindre ligne des histoires : il a bel et bien écrit certaines des toutes premières histoires de Mickey, avant de laisser complètement les rênes à Floyd Gottfredson pour le scénario. Il manquait tout simplement de temps pour s'en occuper et, de toutes façons, son truc c'était l'animation.

Par contre, j'ai lu il y a longtemps dans une publication américaine une interview très intéressante de Floyd Gottfredson, le vrai auteur des BD Mickey originales : selon lui, Walt Disney aurait plutôt été d'accord pour que les vrais auteurs signent les bandes, mais les éditeurs de la presse quotidienne, où paraissaient initialement les BD, tenaient à ce que tout porte la signature "Walt Disney", qui était la seule vendeuse. Quand l'interview a été recueillie, Disney était mort et Gottfredson à la retraite; il n'avait donc aucune raison d'inventer ça.

En tout cas, j'ai vérifié : la préface du recueil "La fabuleuse histoire de Mickey" ne fait aucune mention de Gottfredson, qui était pourtant l'auteur de toutes les histoires. C'est assez lamentable.

Sinon, petit détail amusant : le Fantôme noir, sans son masque, n'est autre que... Walt Disney en personne ! (sans doute une plaisanterie de Gottfredson à l'égard de son employeur, qui avait la réputation d'être un emmerdeur)

Bienvenue Nick !

Un nouveau spécialiste sur le forum, ça va cartooner !

A nouveau des précisions très intéressantes, Nick.

Pour la ressemblance du Fantôme Noir avec Walt Disney, maintenant que tu le dis, en effet... Et de fait, Disney avait la réputation d'être un boss invivable, on le surnommait "the Big Bad Walt" (par référence au grand méchant loup, "the Big Bad Wolf"). Une anecdote parmi d'autres, Walt Kelly, qui travaillait pour les studios Disney, avait été viré par l'autre Walt pour avoir osé participer à une grève; son départ lui a permis de lancer, en 1942, sa géniale BD satirico-animalière Pogo (adaptée en français par Yvan Delporte en 1968).

Merci pour ces précisions et bienvenue Nick !

C'est vrai que la précision valait le coup

Un régal ce sujet Mon bon Léon...
Je me souviens d'un personnage : Iga biva (orthographe ?) qui dormait raide comme mon... balai en équilibre sur le lit de son ami "Micki". Tu peux me le rappeler à mon bon souvenir Léon adoré ?