LE FOL UNIVERS DE GASTON LEBRAVE
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LE FOL UNIVERS DE GASTON LEBRAVE


 
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 Histoire de donner des nouvelles

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la marquise de Sade
Léon le Wacky
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Jaissi
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chani
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chani


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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeLun 19 Sep - 15:09

Kurcko...vite la suite !
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeLun 19 Sep - 16:39

Va-t-on se retrouver face au fantôme d'Ivan Curkovic, actuel président du club de football du Partizan Belgrade et ancien gardien de buts de Saint-Etienne?
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Léon le Wacky
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeLun 19 Sep - 17:57

On attend la suite avec impatience, mon bon Jaissi! bravo

A la fin de son prochain chapitre, Jaissi va-t-il nous écrire : "A suivre, salauds! C'était le troisième épisode... Il n'y en aura pas quatre." rire
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Jaissi
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Jaissi


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MessageSujet: Le trésor des Kurcovick (suite)   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeLun 19 Sep - 19:13

Troublé, le garçon rejoignit l'intérieur du restaurant comme un somnambule. Il se dirigea vers les cuisines comme hébété, alors que son patron, monsieur Brunet le regardait évoluer. Il l'interpella et s'inquiéta auprès de lui de son état de santé. Roland le rassura de quelques mots, prétextant un peu de fatigue.
Son service terminé, il n'eut qu'une idée, celle de rentrer chez lui au plus vite, se délasser sous une douche, boire une bière, bouquiner, bref, essayer de zapper le flot d'aberrations qui semblait s'accumuler autour de sa vie ces derniers temps. Il eut tôt fait de se retrouver à l'entrée de son immeuble.
Tandis qu'il piétinait dans l'ascenseur qui le montait à son sixième, il avait du mal à évacuer une sourde angoisse qui semblait ne plus vouloir le lâcher. Il avança rapidement jusqu'à la porte de son studio et chercha nerveusement à faire pénétrer sa clef dans la serrure.
C'est alors qu'il entendit une sorte de sifflement: une flèche, sur laquelle était enroulé un papier, venait de se planter sur le fronton de sa porte, à deux doigts de son oreille gauche. Il se retourna vivement pour essayer d'apercevoir qui pouvait être ce dangereux facteur. Il eut la surprise de découvrir un Cheyenne en grande tenue d'apparat, comme sorti d'un western avec sa coiffe de plume. Celui-ci ne se laissa pas admirer longtemps. La silhouette colorée disparut furtivement au bout du couloir. Roland tenta bien de se lancer à sa poursuite, mais l'indien avait trop d'avance. Revenant sur ses pas, tout en tentant de faire descendre son flot d'adrénaline, il examina la flèche et détacha le papier qui l'entourait. Sur celui-ci, ce laconique message:

"En souvenir du trésor des Kurcovick... troisième avertissement... il n'y en aura pas quatre!"

Une heure plus tard, notre héros se retrouvait dans le bureau délabré d'un petit commissariat de quartier. Il faisait chaud et la fenêtre ouverte donnait sur les toits. Un policier en tenue était en train de taper laborieusement sa déposition. Ce dernier portait avec fierté une fine moustache qu'il se lissait à la moindre occasion, comme pour vérifier qu'elle était toujours là. Le ton de sa voix parut à Roland un rien moqueur quand il lui demanda:

- Alors comme ça c'était un Cheyenne?
- un Cheyenne, un apache, un comanche... s'énerva Roland, comment voulez-vous que je sache? Tout ce que je peux vous dire, c'est que l'homme était déguisé en indien.
- Vaut mieux que deux tu l'auras.
- Plaît-il?
- Je disais: Indien vaut mieux que deux tu l'auras.
- Tu l'auras... Tu l'auras... Tu l'auras pache! Compléta Roland, jamais en retard d'un bon mot.
- Et comanche que j'l'aurai pache!.... Je vous garde un chien de ma Cheyenne... Monsioux...

Roland abdiqua alors, comprenant qu'il avait là à faire à un maître du genre. Devait-il s'amuser ou s'énerver de cette situation? On venait quand même d'attenter à sa vie, et l'affaire lui semblait suffisamment grave pour qu'on le prît au sérieux. Il se contenta donc de dire au fonctionnaire:

- OK, c'est bon, vous êtes le plus fort. Je vois qu'on fait dans l'humour dans la police maintenant...
- comme quoi les temps changent, répondit l'autre, on apprend ça maintenant dans les écoles de police; on doit donner une image du flic plus sympathique... C'est la consigne.
-Ecoutez, je dispose en temps normal d'une certaine dose d'humour, et je trouve très louables les efforts que peut faire la maréchaussée pour rapprocher Gendarme de Guignol, pourtant je vous assure que je commence à trouver la plaisanterie moyennement drôle; on a essayer de me tuer à deux reprises, on ne cesse de m'envoyer des mots invraisemblables, on me menace. J'aimerais bien savoir ce que vous comptez faire?


Alors que Roland tentait ainsi de s'expliquer, le policier qui semblait à peine l'écouter, ouvrit la fenêtre et scruta l'horizon tout en lissant sa moustache. Il dégaina de la façon la plus naturelle son arme de service et se mit soudain à canarder fébrilement un pauvre pigeon qui avait eu la mauvaise idée de se poser sur un toit voisin.

- Merde! Raté..., grogna-t-il
- Au fait, ça vous intéresse peut-être pas ce que je vous raconte? Interrogea Roland.
- Si fait mon ami! C'est même bigrement intéressant... Dites-moi, ce trésor dont il est question...
- Oui... et bien?
- Le plus simple dans le fond... ce serait peut-être de le rendre...

A suivre...
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MessageSujet: Le trésor des Kurcovick (suite)   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeLun 19 Sep - 20:53

Roland n'insista pas et partit en claquant la porte. Il était déjà en retard quand il parvint sur son lieu de travail. 12h30. Là aussi, c'était l'heure du coup de feu.
Il enfila rapidement son tablier et vint rejoindre Yvette, énergique petite serveuse bien en chair, qui s'activait déjà sur la terrasse. Il faisait de plus en plus chaud et les nombreux clients, abrités sous de larges parasols, commandaient à tout va moult bières et boissons fraîches.
C'est alors que Roland perçut une voix féminine qui se distinguait étrangement à travers le bruit tumultueux de la foule, comme si elle venait d'un tunnel directement jusqu'à lui:

- Garçon, garçon!

Quand il se retourna pour essayer d'en déterminer l'origine, ce fut pour apercevoir la fille nue qu'il lui semblait avoir déjà vu le jour précédent. Guère plus habillée que la veille, celle-ci semblait manifestement se complaire dans la tenue d'Eve. Elle commença par lui sourire, puis se mit subitement à agiter ses seins de façon obscène dans sa direction.
Il ferma les yeux, ce en quoi Il eut tort. Quand il les rouvrit, ce fut pour découvrir à sa place l'aveugle amateur de Bordeaux, retenant tant bien que mal son molosse. Ce dernier, l'écume aux babines, semblait n'avoir qu'une seule idée, mais fixe: celle de planter ses crocs sur les mollets du garçon.
Effrayé, on le serait à moins, Roland décida d'assurer une retraite prudente en cuisine. Cependant, il ne pu s'empêcher de se retourner à nouveau vers la fameuse table. Cette fois ci, il aperçut le fameux Cheyenne qui, attablé, un demi de bière à la main, lui adressait de grands clins d’œil en faisant mine de trinquer avec lui. Le temps de fermer les yeux, de les rouvrir, l'indien avait disparu.
Non, décidément c'était trop! Dérouté, il se dirigea nerveusement vers l'intérieur du restaurant quand un client l'arrêta en lui prenant le bras et lui dit:

- J'aimerais bien avoir un café
- Qu'est ce que vous voulez que ça me foute? Répondit le garçon à bout de nerfs.

En repartant, il croisa Yvette qui revenait avec un plateau chargé de boisson. Il lui demanda si elle n'avait rien remarqué de bizarre en terrasse. Elle lui répondit que s'il y avait quelqu'un de bizarre, c'était lui: tellement pâle qu'il était certainement malade. Elle lui conseilla donc de rentrer se coucher en lui assurant qu'elle saurait se débrouiller en assurant le service toute seule. Roland arriva en cuisine le visage défait et entreprit son patron:

- Je peux vous parler Monsieur Brunet?
- Tu vois bien que c'est pas tout à fait le moment, grogna le chef d'une voix bourrue tout en agitant une sauce. Il releva toutefois la tête, scruta Roland et sembla soudain réaliser l'ampleur de la situation. Sur un ton beaucoup plus doux où perçait une certaine inquiétude, il lui demanda:

- Qu'est ce qui t'arrives mon p'tit, tu n'as pas l'air dans ton assiette.
- C'est que... Précisément, je ne me sens pas du tout, mais alors pas du tout dans mon assiette, alors vous comprenez... c'est d'autant plus dur de s'occuper de celles des autres.
- Voilà ce que c'est que d'être jeune, fit Monsieur Brunet, faussement en colère, on croit que le monde est à nous, que tout est possible, tout nous est permis, mais la vie prend tout son temps pour nous démontrer le contraire. C'est une vacharde! Au moment où tu crois que tu vas gagner, quand t'es prêt à toucher le pactole, c'est toujours pareil, elle insinue en toi le doute...
- Mais ... Monsieur Brunet...Je ne vois pas...
- Ta ta ta! Moi aussi plus d'une fois, il m'est arrivé de ressentir les affres du doute. Et toi, tu en as tous les symptômes. Mais ce n'est pas une maladie honteuse; ça se soigne. Que veux tu? On a beau avoir la vocation, la foi, on n'en est pas moins homme.

Il ajouta avec un air inspiré:

- Pascal disait que le doute c'est le sel de l'esprit, mais il avait tout faux le Pascal. Le doute est un poison pernicieux qui t'empêche d'avancer.
- Certainement Monsieur Brunet, abdiqua Roland qui ne comprenait rien aux discours de son patron, Je doute de pas mal de choses, particulièrement en ce moment; je ne sais plus ce qui est vrai de ce qui ne l'est pas. Il m'arrive des trucs vraiment inexplicables, d'où ma difficulté à les expliquer. Tout ce que je sais c'est que j'ai besoin de repos, et fissa! Ca ne va certainement pas vous arranger, mais j'aimerais aller passer quelques jours chez mes parents près de Nice, histoire de me ressourcer un peu.
- Allez va mon bon Roland. T'inquiètes pas. Pars te reposer quelques jours, on se débrouillera bien sans toi, je garde ta place au chaud... et surtout, reviens nous en forme!

Deux heures plus tard, Roland était confortablement installé dans un Airbus d'Air-inter. L'avion prit rapidement de la vitesse et s'arracha de la grisaille francilienne pour rejoindre des cieux plus bleus.
Tout en écoutant d'une oreille distraite les informations que donnait le commandant de bord, Roland se félicitait de son extrême efficacité. En une heure il avait récupéré quelques effets chez lui, pris un taxi, un billet pour Nice, et finalement un avion quasiment au vol. Dans moins deux heures, il pourrait embrasser ses parents qui ne l'attendaient pas mais qui, il le savait, seraient comblés de cette visite surprise. Ce fut sur cette pensée qu'il s'endormit.
Il fut brusquement réveillé par de violents remous. L'appareil traversait une zone de dépression. Une véritable tempête. L'avion était formidablement chahuté par les trous d'air, et la carlingue émettait des craquements sinistres et inquiétants, alors que les passagers commençaient sérieusement à s'affoler.
Au plus fort de la dépression, la voix d'une des hôtesses sortit des haut-parleurs:

- Ceci est un message personnel à l'attention du passager Roland Bernier qui est informé que c'est le dernier avertissement, il n'y en aura pas d'autres, et que ce salaud est sommé de rendre au plus vite le trésor des Kurcovick..
A la fin de cette annonce, la tempête se calma aussi soudainement qu'elle avait commencé, et l'avion retrouva une certaine stabilité.
Roland scruta le visage de ses voisins comme pour chercher un écho à ce qu'il venait d'entendre. Il s'adresse finalement à une mamie qui était assise près de lui, elle même semblant fort éprouvée.

- Vous avez entendu?
- Ah, m'en parlez pas mon pauvre monsieur, j'ai bien cru qu'on allait tous y passer. Quand je pense que c'est la première fois que je prends l'avion. Ah mais on m'y reprendra plus... Imaginez vous que c'est mon gendre qui...
- Non, mais, insista Roland, vous avez entendu cette voix dans les hauts parleurs... où il était question d'un trésor?

Devant la mine ébahie de son interlocutrice, il jugea bon de s'adresser plutôt à son voisin de droite:

- Et vous, ne me dites pas que vous n'avez rien entendu?

Silence interrogatif et poli du voisin. Roland poursuivit à la cantonade en élevant le ton.


- Alors comme ça... personne n'a rien entendu! Vous êtes tous dans le coup ou quoi?...Parce que ça commence à bien faire cette histoire...! Le trésor par ci, le trésor par là, j'en ai soupé moi de ce trésor, ça devient bourratif!
- Allons monsieur, du calme... fit son voisin.
- Du calme, du calme, comment voulez-vous que je sois calme? je voudrais bien vous y voir. On me harcèle avec une histoire de trésor... Et puis... C'est qui ces Kurkovick? Vous les connaissez vous?
- Mais enfin, de quoi parlez-vous?
- Et bien imaginez-vous que j'aimerais bien le savoir, répondit Roland en s'énervant de plus en plus. J'ai rien demandé à personne moi, une petite vie pépère, sans histoire... Et voilà qu'on me menace et qu'on attente à ma vie. Mais, je ne vais pas me laisser faire moi!

Une hôtesse arriva ameutée par son raffut et se pencha vers lui.

- Veuillez rester tranquillement sur votre siège jusqu'à l'atterrissage monsieur. Tout le monde est suffisamment éprouvé et...
- Parce que vous croyez que je suis pas éprouvé, moi? éclata Roland, avec tous ces fous dingues qui me poursuivent en réclamant leur trésor...? Au fait... Où il est l'apache? Il est pas dans l'avion? C'est peut-être lui le pilote... A moins que ce ne soit l'aveugle. Oui, c'est certainement l'aveugle. Bien vu l'aveugle! On nous l'a mis aux commandes de l'Airbus! Son pit-bull comme copilote, parfait! Mais moi j'vous l'dis, on n'est pas arrivés à Nice

L'hôtesse, réalisant qu'elle avait certainement à faire à un passager n'ayant plus toute sa raison, tenta de se montrer rassurante.

- Allons, allons, du calme monsieur, vous avez certainement du être un peu choqué, par nos petits incidents de vol. Ca arrive fréquemment. En fait, nous avons simplement été victime d'une météo un peu défavorable, vous voyez, maintenant tout va pour le mieux. Allez, détendez vous, dans quelques minutes nous allons nous poser sur l'aéroport de Nice.

A suivre...
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MessageSujet: Le trésor des Kurcovick (suite et fin)   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeMer 21 Sep - 13:58

Ce fut seulement en arrivant chez ses parents que Roland recouvra véritablement ses esprits. les Bernier étaient des gens simples, paisibles retraités qui vivaient dans l'arrière pays niçois. A leur contact, il se montra plus calme. Décidément, la vie parisienne ne lui valait rien. Il allait ici retrouver quelques vraies valeurs qui l'aideraient à surmonter ce surmenage passager, certainement responsable de toutes les d'aberrations de ces derniers jours. Sa mère lui prépara une rapide collation.

- Reconnais que c'est pourtant pas ton genre, lui reprocha-telle gentiment, toi qui a l'habitude de tout planifier... tu aurais pu nous prévenir... C'est pas qu'on soit pas content de te voir Roland, bien au contraire, mais sur le coup, ça nous a inquiété. Surtout que je n'ai rien eu le temps de te préparer. Tu n'as pas de problèmes au moins?
- Mais non, je vous assure, tout va bien. Répondit-il d'un ton enjoué. Je vois que tu as toujours le coup de main pour réussir l'omelette aux fines herbes maman. Quel est ton secret?

Madame Bernier posa tendrement sa main sur celle de son fils. Peu après Roland et son père allèrent faire quelques pas dans le grand jardin. Monsieur Bernier montra non sans fierté à Roland ses magnifiques rosiers. Il essaya subtilement de le cuisiner car il n'était pas dupe. Il se doutait bien que quelque chose ne tournait pas rond et que la venue soudaine de son fils cachait certainement un problème. Tout en continuant de marcher, ils parvinrent à proximité d'une petite dépendance en bois. au fond du jardin. Monsieur Bernier dit alors:

- Dis-moi Roland, franchement, si tu as des soucis, tu peux nous en causer? On n'est pas des étrangers quoi!
- Non, papa, je t'assure... Tout va bien! J'avais juste besoin de retrouver mes repères, et vous en êtes de sacrés... Je suis heureux de savoir que vous êtes là, ça me suffit.
- Ah, je vois que tu n'as pas changé, toujours aussi secret. Tu te rappelles quand tu allais t'enfermer des heures durant dans ta cabane. On se demandait maman et moi ce que tu pouvais bien y faire. C'était ton tabernacle, ton saint des saints, ta planque. Nous n'avions même pas le droit d'y aller. Tu as dû t'en inventer des mondes là dedans, tu as dû en cacher des trésors...
A ces derniers mots, Roland eut du mal à réprimer une espèce de sursaut et demanda à son père de rentrer prétextant une soif soudaine.

Les parents de Roland étaient invités ce même soir à dîner chez des voisins. Ils proposèrent d'annuler mais leur fils les enjoint de se rendre à cette soirée en leur assurant qu'il était assez grand pour se débrouiller tout seul. Alors qu'ils quittaient la maison en voiture, madame Bernier s'adressa une dernière fois à son fils à travers la vitre ouverte:

- Tu es sûr que tu ne veux pas venir? Les Villemard t'ont connu bout de chou, ça fait des années qu'ils ne t'ont pas vu.
- Non merci m'man. Tu les remercieras d'avoir proposé de rajouter un couvert, mais j'ai vraiment envie de voir personne ce soir. Faites-leur un bisou de ma part.

La voiture hors de vue, Roland, seul dans le grand jardin se dirigea instinctivement vers la cabane de bois. Après une légère hésitation, il en poussa la porte. L'intérieur était aménagé comme une chambre de gosse: un lit, des coffres à jouets, des posters aux murs, une petite télé sur une commode. Rien n’avait changé.
Roland fureta dans la pièce, déplaça les meubles, fouilla les coffres. Il ne savait pas trop ce qu'il cherchait. Il ouvrit des vieux cahiers, des livres, et finit par dénicher un carnet poussiéreux noirci d'une écriture enfantine qu'il reconnut, puisque c'était la sienne. Il tomba en arrêt en découvrant un titre qui figurait sur la première page: " Le trésor des Kurcovick ".
Les portes du passé s'ouvrirent alors et laissèrent pénétrer en lui le flot de la mémoire oubliée: un délire de gosse. Une histoire qu'il avait commise dans son enfance dans laquelle il racontait la mystérieuse quête d'un trésor:
Les Kurkovick n'étaient autre qu'une famille d'émigrés yougoslaves qui furent réellement ses voisins de rue durant quelques mois. Leur statut d'étrangers les avait auréolés aux yeux de Roland d'une certaine part de mystère, et il avait fabulé sur eux en leur inventant une histoire invraisemblable. Toutes sortes de personnages baroques y étaient imbriqués: un Cheyenne, un aveugle avec un chient méchant, une femme toute nue, ainsi qu'un drôle de gendarme qui tirait sur tout ce qui bouge. Ils en voulaient tous à un soi-disant trésor que les Kurkovick étaient présumés avoir ramené de leur contrée. On voyait celui-ci passer de mains en mains au hasard des péripéties les plus incohérentes. Si le fil de cette histoire n'avait pas de nœud, il représentait en fait à lui tout seul un véritable sac de nœuds.
En en faisant la relecture, Roland s'aperçut d'ailleurs que son récit s'arrêtait de façon abrupte. Las de s'entortiller dans ce scénario abracadabrant dont il ne trouvait décidément pas l'issue, le jeune garçon avait sans doute fini par abandonner son récit, plantant là ses différents personnages.

Après avoir réfléchi quelques minutes, Roland fit la seule chose qu'il convenait de faire: il se munit donc d'un stylo, et continua l'histoire au moment où il l'avait interrompue, vingt-cinq ans plus tôt. Ainsi, il renvoya le Cheyenne dans sa réserve, la femme nue se rhabilla et devint une exemplaire secrétaire-comptable, le gendarme termina sa carrière dans un asile pour policiers dépressifs, et l'aveugle fut sauvagement dévoré par son chien. Quant aux Kurcovick, ils retournèrent dans leur pays avec leur trésor, et l'on n'entendit plus jamais parler d'eux.
Ayant ainsi fait place nette, il referma définitivement la porte de cette drôle d'histoire en y écrivant le mot fin, puis il s'endormit, serein, sur son vieux lit d'enfant.

FIN
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MessageSujet: Le Maître du temps   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeVen 23 Sep - 3:15

Le maître du temps





L'homme s'était approché de moi. Il s'est penché sur mon oreille, a fait un cache de sa main, et m'a tout simplement dit:

- "Je suis le maître du temps!"

Surpris, absorbé que j'étais dans mes réflexions, j'ai levé la tête pour dévisager mon interlocuteur. On devinait sa haute stature sous le long pardessus noir qui lui arrivait presque jusqu'aux pieds. Je ne distinguai pas bien ses traits à cause de l'obscurité et du chapeau feutre qui lui cachait une partie du visage.
Je patientais alors sous un Abribus, attendant l'hypothétique arrivée d'un dernier autobus qui me ramènerait vers le centre. Il pleuvait très fort, je crois même que l'orage grondait.
J'étais de sale humeur. Je revenais d'une soirée qui avait été un fiasco, et je n'avais qu'une hâte, celle de me retrouver bien au chaud dans mes draps le plus vite possible
La soudaine présence de cet inconnu, ainsi que sa sibylline réflexion ne manquèrent pas de m'irriter. Je n'avais aucunement l'envie ni la force d'entamer une quelconque conversation avec ce qui me semblait être un ivrogne bon teint. Histoire de ne pas être complètement impoli, je lui répondis de l'air le plus détaché possible:

- Ah! Oui? vous êtes horloger, ou quelque chose comme ça...?
- Je dis que je suis le maître du temps! Persista-t-il avec une véhémence de gosse contrarié.

Comme son ton n'admettait pas la réplique, je me suis bien gardé d'en objecter la moindre. Il était clair que j'avais là à faire à un dément et la prudence me dictait qu'en ces circonstances, il valait mieux montrer profil bas.

- J'ai bien connu Vercingétorix, reprit-il après quelques secondes d'un pesant silence.

L'affaire semblait plus grave que je ne pensais: l'homme avait l'air sérieusement atteint. Je maudissais d'autant plus ce bus qui ne venait pas, m'obligeant de ce fait à écouter les allégations d'un demeuré, la nuit, dans une banlieue déserte. Hélas, peu de solutions s'offraient à moi: aucun taxi à l'horizon, et j'habitais bien trop loin pour escompter rentrer à pied. De plus, la pluie tombait si drue que je ne me voyais pas, pour le moment, quitter l'abribus. Sans doute vexé par mon absence de réaction, le dément semblait s'être retranché derrière un mutisme renfrogné.
C'est alors qu'un bruit inhabituel vint en s'amplifiant se mêler aux clapotis de la pluie. Cela rappelait le vrombissement d'un moteur. Finalement, quelques instant plus tard, un petit avion vint atterrir sur le boulevard et freina, dans un dernier crissement devant nous. Le pilote, soulevant le couvercle de son habitacle, prit le temps de nous adresser quelques saluts, avant de le refermer sur lui et de redécoller.

- Vous avez reconnu Saint Exupéry? Me demanda mon compagnon d'un air entendu.

Je dois dire que j'affichais l'ébahissement le plus total, et pourtant, je n'étais pas au bout de mes surprises: Dans la minute qui suivit, je reconnu le son d'une cavalcade, comme si cent chevaux allaient, d'un moment à l'autre surgir devant nous.
Je ne sais pas s'ils étaient cent, mais le plus surprenant, c'est qu'ils apparurent effectivement. Une horde incroyable que chevauchaient des espèces de sauvages à la peau légèrement ambrée, ruisselants de sueur et de pluie, vêtus avec des peaux de bêtes et des coiffes de fourrure. Celui qui semblait être leur chef s'arrêta devant nous en faisant cabrer sa monture.

- Attila... le hun, me renseigna mon compagnon avisant ma mine ahurie. Il a l'air un peu rustre comme ça, mais dans le fond, c'est un très bon garçon.

La troupe piétina quelques secondes devant nous, puis, sur un signe de son chef, elle s'ébranla, prit rapidement de la vitesse, et alla s'enfoncer dans la noirceur de la nuit. Ce fut pour laisser la place à un couple de diplodocus qui vint s'ébrouer quelques instants à cinq mètres de nous, suivi presque immédiatement par un régiment anglais de l'époque coloniale qui défila au rythme des fifres et des tambours.
J'étais loin de m'attendre à un tel spectacle. Mieux que du CinémaScope. Quel écran est plus géant que celui de la vie? Je n'avais pourtant pas rêvé. J'en voulais pour preuve les nombreux crottins de chevaux et sans doute, de diplodocus qui jalonnaient maintenant l'artère. Je me retournai donc vers mon inconnu, le regard brillant d'interrogations muettes. En quoi était-il responsable de ces apparitions? Tout simplement: qui était-il?

- Je suis le maître du temps. Fit-il d'un air pénétré, comme en réponse à la question que je ne lui avais pas posée.
- Certainement... Certainement... Monsieur...
- Appelle moi Maître!
- Dites moi, c'est dingue votre truc? Heu Maître... Comment vous avez fait ça?

Flatté que je semble enfin m'intéresser à lui, il se dressa devant moi de façon fort hiératique et déclama:

- On ne croit pas toujours ce que l'on voit, et l'on ne voit pas toujours ce en quoi l'on croit.

Effectivement, Je vais aller loin avec ça! pensai-je avec ironie, il y avait certainement là matière à méditer, mais je dois dire que je ne me sentais pas plus éclairé pour autant. Cependant, ce diable d'homme m'avait mis l'eau à la bouche. Je m'attendais maintenant à tous moments, par une de ces diableries, à voir apparaître devant nous le char de Benhur, la revue de l'Alcazar, Blanche-Neige et les sept nains, Fred Astaire ou - que sais-je encore? - Babar et la cour du roi-soleil. Bien calé sur mon banc, j'étais fin prêt pour le spectacle.
Contre toute attente, ce fut le bus qui arriva. Un bus tout ce qu'il y de traditionnel, contenant son lot de soiffards attardés, de visiteurs du soir transformés, vu l'heure, en derniers rescapés de la nuit. J'en fus presque déçu. Cet autobus représentait cependant ma dernière chance de réintégrer mes pénates. Je me retournai alors vers mon inconnu pour lui demander s'il comptait rester là. Le problème, c'était qu'il avait disparu.

J'avais dû m'assoupir et rêver tout cela. Je fus fort attristé de m'être laissé ainsi dupé par mon imagination. J'aurais pourtant juré que ce que j'avais vu, senti, ou entendu n'était pas une affabulation de mon esprit. Pour tout dire, j'avais même commencé à trouver attachant cet étrange bonhomme qui, tel un magicien avait fait jaillir pour moi des spectacles hauts en couleurs dans la grisaille de ce soir pluvieux.
Dépité, je m'engouffrai donc dans l'autobus, à l'avant, de façon à acheter un billet au conducteur. Occupé à chercher des sous, je ne dévisageai celui-ci qu'au dernier moment: Il s'agissait tout simplement de mon homme au pardessus noir, mon bon vieux "maître du temps". Il me fit un clin d’œil, activa la fermeture automatique des portes du véhicule, démarra, et me demanda:

- "Alors... Où on va?"

Alors, nous avons été loin, très loin, peut-être trop loin... Si loin qu'à l'heure actuelle, je ne suis pas encore complètement sûr d'être revenu.../
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeVen 23 Sep - 9:21

Jaissi est attendu à l'aéroport Saint Exupéry le 8 prairial de l'an XII.
Il sera aisé de le reconnaître, car il sera le seul passager de la diligence à porter un entonnoir sur la tête et un filet de pommes de terres nouvelles au bras.

Merci de le ramener à l'asile avant les vêpres.
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeVen 23 Sep - 13:40

J'y serai! Dois-je ou non garder ma banane dans l'oreille? C'est au cas où il pleuvrait...
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeSam 24 Sep - 0:06

Le seul passager avec un entonnoir sur la tête ? ah oui ?
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeSam 24 Sep - 9:13

chani a écrit:
Le seul passager avec un entonnoir sur la tête ? ah oui ?
...et filet de pomme de terres nouvelles au bras, comme ça, si tu es dans le même train, on ne pourra pas confondre. fume
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeSam 24 Sep - 19:10

Cqfd a écrit:
...et filet de pomme de terres nouvelles au bras, comme ça, si tu es dans le même train, on ne pourra pas confondre. fume

Et un cageot! Faut pas qu'il oublie son cageot, sinon, les Kurcovick vont lâcher leurs diplodocus sur lui.

Donc, cher Jaissi, déjà tout petit, vous dessiniez des femmes nues dans les marges de vos cahiers... oui
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeSam 24 Sep - 19:30

Oui, peut-être, mais pas des cageots!
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeSam 24 Sep - 19:36

Pour être maître du temps, il faut être du Mans?
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeLun 26 Sep - 3:08

C'est sans doute une bonne question. Ca fait deux jours que je cherche la réponse... Je commence à avoir très mal à la tête. Merci Gaston!
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MessageSujet: Un jour j'étais mort   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeLun 26 Sep - 3:21

Un jour, j'étais mort.





Je n'aurais jamais imaginé qu'un jour, j'apprendrai ma mort par les journaux. Il ne pouvait pourtant s'agir que de moi. C'était bien ma photo qui s'étalait sur la manchette. C'était mon nom qu'on pouvait lire en gras avec ce titre: "Raymond Fouroux, le célèbre ténor du barreau, abattu hier soir devant son domicile parisien."
Interpellé -on le serait à moins- j'ai parcouru fébrilement l'article. Il y était question d'un malfrat, Julio Difredi, que j'avais défendu, de bien piètre façon à son sens, puisqu'il m'avait remercié en me logeant une balle dans le crâne le jour même de son évasion. On louait, dans cet article, mes états de service, dressant le bilan de mes haut-faits, tout en déplorant bien sûr la tragédie.
Conscient des conséquences que cette incroyable méprise pourrait avoir, tant sur ma vie privée que professionnelle, j'appelai immédiatement la rédaction du journal afin de démentir formellement la véracité de l'article. Après bien des difficultés, j'arrivai enfin à obtenir le journaliste qui avait fait le papier. Il en suivit ce dialogue surréaliste:

- J'appelle à propos de votre article de ce matin.
- L'affaire Fouroux?
- Oui, je suis maître Fouroux.
- Ah oui? Désolé pour ce qui vous est arrivé.
- Il ne m'est rien arrivé, fis-je en essayant de garder mon calme, et je suis tout ce qu'il y a de vivant.
- Ca, ça m'étonnerait, j'ai photographié votre cadavre hier à la morgue. Et c'était pas brillant! Maintenant, excusez-moi maître, mais j'ai beaucoup de travail...

Et il raccrocha. De rage, je mis machinalement mes mains sur ma tête. C'est là que je sentis le trou. Un petit trou vers la tempe qui faisait un relief inhabituel sous le contact de mes doigts. Je me suis alors précipité comme un dingue vers la salle de bain histoire de me visionner dans la glace. Celle-ci me renvoya mon reflet assorti d'une méchante blessure sur le crâne, vraisemblablement due à l'impact d'une balle.
Il fallut alors bien se rendre à l'évidence: j'étais mort. "Mince alors!" me suis-je exclamé en moi-même. Je vous assure que c'est un grand choc quand ça vous arrive; surtout quand rien ne vous y prépare.
J'ai été alors au bar du salon me servir une large rasade de whisky et je l'ai bu cul sec. De quoi réveiller un mort. Sans rire!
Je n'allais quand même pas rester là les bras croisés à attendre; et puis, attendre quoi? J'ai sentis qu'il me fallait réagir; je dois dire que pour un mort, je me sentais diablement vivant. Qu'allais-je bien pouvoir faire de cette première journée de mortalité? Personne ne m'avait affranchi. Y aurait-il des ratés au niveau du service après vie? Ce n'était pas du tout, en tous cas, comme cela que j'imaginais la chose. J'avais l'impression d'avoir gardé absolument toutes mes facultés: je pouvais lire, boire, manger, apparemment, je pouvais même parler au téléphone aux prétendus vivants. Mais alors qu'est ce qui changeait?
Je me resservis un deuxième verre, histoire de me remettre les idées en place, puis je décidai de partir en goguette. La première personne que j'ai rencontrée fut ma concierge qui lessivait l'escalier du hall de mon immeuble. Elle prit un air contrit en me voyant.

- Ben alors, madame Da Silva, on a l'air toute triste...
- Excusez moi monsieur Fouroux, mais j'ai appris la nouvelle ce matin, j'en suis encore toute retournée.
- Que voulez vous? Répondis-je, on s'en va tous un jour...
- Peut-être, mais c'est toujours les meilleurs qui partent les premiers...

sa phrase se termina dans un lamentable sanglot. Consciencieuse, Madame Da Silva prit soin de fondre en larmes juste au dessus de sa serpillière. Par pudeur, je préférai m'éclipser discrètement. Ce fut une fois dehors que je réalisai que ma concierge, quoique me sachant décédé, n'avait pas été étonné une seconde de me voir et de discuter avec moi.
Une soudaine envie de m'en griller une petite dirigea mes pas vers le café-tabac qui faisait l'angle de ma rue. Il était un fait qu'en l'état, j'avais fort peu de risques d'attraper un cancer du poumon. Le buraliste me reconnut aussitôt. Il tendit vers moi une main pleine de doigts, pour que je la serre sans doute, ce que je fis.

- Alors, comme ça on est mort? M'apostropha-t-il d'un ton familier.

Ah ça! Il commençait fort le bougre. Que dire? Que répondre à une telle question?

- Que voulez-vous, c'est la vie. Marmonnai-je en baissant la tête, honteux parce que conscient du non sens contenu dans ma réponse.
- C'est ce que je disais encore hier à Henriette, vous savez... ma femme? Vous faisiez un métier à risque à fréquenter tous ces gars de la pègre...
-Et oui... les risques du métier.

Comme je me sentais peu enclin à écouter le flot de banalités que voulait me servir le patron sur les aléas du boulot d'avocat, j'abrégeai en demandant un paquet de Dunhil bleues. J'ai payé, salué poliment et suis sorti. En fin de compte, j'étais peut-être mort, mais rien n'avait vraiment changé: on me parlait, on m'écoutait, on me serrait la main, on prenait mon argent... C'est vrai que j'avais ce trou dans la tête, me suis-je rappelé en tâtant la cavité près de ma tempe. A ceci près, tout semblait normal.
Nous étions samedi. Ce jour là, à cette heure là, j'aurais dû me rendre à mon club de bridge. Je décidai donc d'y aller réalisant avec une certaine ironie que je n'aurais aujourd'hui aucun mal à faire le mort.
Mes partenaires et amis, ne furent pas plus étonnés que ça de me voir. Ils semblaient à la fois heureux et chagrinés. Charles Henry, un vieux copain de toujours m'entraîna vers le bar pour me parler en tête à tête.

- Quand j'ai appris ton décès mon vieux, ça m'a fichu un sacré coup, tu peux pas savoir.
- J'avoue que la nouvelle m'a un peu remué aussi.
- Tu vas beaucoup nous manquer tu sais?
- Pas autant qu'à moi! Que veux-tu, personne n'est irremplaçable, ajoutai-je fataliste.
- Allez, tiens! Je t'offre un coup.

Paradoxalement, ce fut cette dernière phrase qui m'étonna le plus. Charles Henry était certes un garçon adorable, mais il traînait la réputation avérée d'une avarice congénitale frisant le maladif.

- Un whisky! Ai-je demandé au barman
- Un baby! S'empressa de préciser Charles Henry, et pour moi, juste une eau plate.

Quand nous fûmes servis, mon ami eut le mauvais réflexe de vouloir trinquer à ma santé. Réalisant sa bourde, il baissa les yeux et s'excusa.

- C'est rien, lui dis-je, on est pas encore habitué.
- A part ça, reprit-il pensant se rattraper, tu as des projets? C'est pour quand l'enterrement?

Il avait presque dit ça avec un air joyeux, comme s'il parlait d'une future naissance ou d'un prochain mariage.

- Je t'avoue que je n'ai pas encore eu le temps d’y songer. De toutes façons, je ne pense pas que ce soit à moi de le gérer, enfin, je sais pas... je suppose que mes proches s'en occuperont.
- Je suis sûr que tu feras du monde… en tous cas, tu peux compter sur moi... Je viendrais.
- Merci vieux, fis-je en lui serrant la pogne, je savais que je pouvais compter sur toi.

En fait, il commençait à m'agacer prodigieusement. Sur ce, je lui expliquai que la vie d'un mort, contrairement à ce qu'on pourrait croire, n'était pas de tout repos, et que j'étais obligé d'aller vaquer à différentes activités. Il eut la courtoisie de ne pas me demander lesquelles.
Au sortir de l'établissement, je vis deux ravissantes créatures, une brune, une rousse qui m'accostèrent en souriant.

- C'est vous Charles Fouroux? Me demanda la brune.
- C'était moi, oui.
- Où étiez-vous passé? Me dit gentiment la rousse en me prenant le bras, on vous cherche partout...
- J'étais par ci par là, répondis-je prudent, c'est pourquoi?
- Nous somme allées chez vous, reprit la brune, mais vous étiez déjà sorti, c'est nous qui sommes chargées de vous emmener là-haut.
- Ah oui? Et c'est bien là-haut?
- Vous verrez, c'est comme des vacances, mais en plus long. Ceci dit, ya pas le feu, on a quand même le temps d'aller s'en jeter un de derrière les fagots, pas vrai Véro?
- T'as raison Lucie, ça fait tellement longtemps qu'on est pas descendu sur terre. Allez Maître, on part en virée. Yipiiiie!!!

Lucie et Véro avaient une sacrée descente, mais tenaient admirablement la pente. En ce qui me concerne, je m'étais déjà octroyé quelques préliminaires. Quelques verres plus tard, j'étais véritablement un mort ivre.
La soirée fut d'enfer. Les prémices du paradis que Lucie et Véro, deux sacrées rigolotes en passant, me décrivirent comme un palais de merveilles, de délices et de fête.
Beaucoup plus tard, vers la fin de la nuit, mes accompagnatrices me prirent chacune un bras, et nous montâmes en zigzaguant vers les étoiles, tout en chantant des chansons paillardes. Ce fut au moment où ce bon Saint Pierre, baillant sous son bonnet de nuit, nous ouvrit la porte du ciel, que je me réveillai...

--------------------------------------------------------------------------------------------------

Cela faisait plus de quatre heures maintenant que les jurés étaient sortis pour délibérer. Nous attendions la sentence qui devait être prononcée à l'encontre de Julio Difredi dit Julot le morbac. C'était un truand, petit par la taille mais ô combien violent, teigneux comme pas deux. Sa spécialité: assaisonner les vieilles femmes à la batte de base-ball avant de les détrousser. En réalité, j'avais peu de chance d'obtenir quoi que ce soit sur ce dossier tant les charges pesant sur le voyou étaient lourdes. Je suis obligé d'admettre que j'éprouvais à l'égard de ce type une antipathie viscérale, et je crois qu'il en avait autant à mon service. Je m'étais donc assoupi dans un coin de la salle d'audience en attendant le verdict.
Je remarquai que le juge, qui venait de faire son entrée avec ses assesseurs et les jurés, ressemblait trait pour trait à mon Saint Pierre, sauf qu'il n'avait pas de bonnet de nuit, ce qui eut fait désordre. La sentence fut prononcée et mon client prit bien sûr le maximum. C'est alors qu'il retourna son faciès haineux vers moi et me dit:

- Toi, l'avocat... sur ce coup, t'as été plus que mauvais! parole de Morbac! Quand je sors t'auras droit à ta praline!
- Avec plaisir, répondis-je, baignant encore dans les limbes de mon rêve, et surtout... viens vite, et... ne me rate pas, Lucie et Véro m'attendent...
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeMer 28 Sep - 20:30

bravo Sacré Jaissi, tu enlèverais la peur de mourir au plus hypocondriaque des tanathophobes.

Moi, j'aimerais bien voir un juge avec un bonnet de nuit et des charentaises en pleine audience, ça l'humaniserait quelque peu (je ne demande pas, comme Brassens, à ce qu'il soit violé par un gorille, je fais plutôt dans le petit budget...).
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeJeu 29 Sep - 1:54

Merci Léon, grâce à toi j'ai appris un nouveau mot : Tanathophobe. Ce bon vieux Robert m'a renseigné, et je ne manquerai pas de l'employer dans une prochaine soirée ce qui me donnera, je l'espère, l'impression de briller en société. C'est vrai, les gens brillants sont très utiles... en cas de panne d'électricité!
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeJeu 29 Sep - 14:50

Beau texte bien écrit et efficace , j'ai beaucoup apprécié bravo
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeJeu 29 Sep - 15:22

Merci Tym. Ca fait plaisir de te retrouver sur ces pages. Rendez-vous sur MP si tu veux pour qu'on cause...
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeJeu 29 Sep - 17:51

quand tu veux , je commence à refaire surface aprés une période de semi hibernation forcée Wink
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeJeu 29 Sep - 19:00

C'est curieux d'hiberner en été! Ok, je t'appelle...
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeJeu 29 Sep - 19:05

tym! a écrit:
quand tu veux , je commence à refaire surface aprés une période de semi hibernation forcée Wink

Alors c'est toi qui hibernait dans le terrier des Renarmotte!

Tu as réparé la fuite d'eau?
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeJeu 29 Sep - 19:59

Jaissi a écrit:
Merci Léon, grâce à toi j'ai appris un nouveau mot : Tanathophobe. Ce bon vieux Robert m'a renseigné, et je ne manquerai pas de l'employer dans une prochaine soirée ce qui me donnera, je l'espère, l'impression de briller en société. C'est vrai, les gens brillants sont très utiles... en cas de panne d'électricité!

A ton service! hat J'ajoute, pour la petite histoire, que ce cher Eugène Ionesco était bien connu pour être tanathophobe... et il a fini par mourir à 85 ans, comme la première cantatrice chauve venue.
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitimeVen 30 Sep - 0:36

Comme quoi il avait tort de se faire des cheveux!
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MessageSujet: Re: Histoire de donner des nouvelles   Histoire de donner des nouvelles - Page 4 Icon_minitime

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